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ESTHETIQUE DE LA CONTEMPLATION DU PAYSAGE ET DES FIGURES DE L'INFINI

Parmi les auteurs du 20° siècle, c’est sans doute Le Clézio qui mérite d’être
mentionné. Grand voyageur, citoyen du monde, ayant vécu sur plusieurs
continents, il réunit dans la plupart de ses récits les réminiscences personnelles
de ses voyages et des histoires imaginaires. Son roman intitulé Désert’, est
l'évocation d’un épisode de l’histoire de l’Afrique du Nord, à travers les batailles
sanglantes livrées contre les tribus révoltées tentant de résister à l’armée des
colonisateurs. L'histoire des hommes bleus du désert s'est déroulée entre 1909
et 1912, mais l’auteur évite de mentionner tous les repères chronologiques, il se
contente du strict minimum de documentation historique. Le chef des descendants
des hommes bleus est le cheikh Ma el Ainine, un personnage historique. Il est
accompagné d’un jeune garçon, appelé Nour, personnification et emblème de la
vie nomade. La résistance sans aucun espoir de remporter la victoire finale contre
l'envahisseur-colonisateur et provoquant la disparition quasi totale des hommes
du désert est couplée au récit de la vie de Lalla et du jeune berger Hartani. Les
deux histoires parallèles présentent ainsi l’infini de l’espace, en l'occurrence du
désert, et du temps.

Lalla, jeune fille vivant dans une petite communauté au bord du désert aura
une destinée ancrée à la fois à la contemporanéité et au passé. Son destin sera
d'une part illustré par son itinéraire circulaire, départ - connaissance du monde
occidental - retour au pays d’origine, d’autre part par ses liens quasi mystérieux
aux figures légendaires du passé de l'Afrique du Nord. La fonction du désert, en
tant que thème esthétique, présente dans la narration une certaine ambiguïté.
Loin d’être uniquement l'évocation d’une formation géographique réelle, il
apparaît aussi comme un appel à l'imaginaire.

« Elle voit l'étendue de sable couleur d’or et de soufre, immense, pareille à la
mer, aux grandes vagues immobiles. Sur cette étendue de sable, il n’y a per¬
sonne, pas un arbre, pas une herbe, rien que les ombres des dunes qui s’al¬
longent, qui se touchent, qui font des lacs au crépuscule. Ici, tout est semblable,
et c'est comme si elle était à la fois ici, puis plus loin, là où son regard se pose
au hasard, puis ailleurs encore, tout près de la limite entre la terre et le ciel.
Il y a des ruisseaux d’or qui coulent sur place, au fond des vallées torrides. Il
y a des vaguelettes dures, cuites par la chaleur terrible du soleil, et de grandes
plages blanches à sa courbe parfaite, immobiles devant la mer de sable rouge.
La lumière rutile et ruisselle de toutes parts, la lumière qui naît de tous les
côtés à la fois, la lumière de la terre, du ciel et du soleil. Dans le ciel, il n’y a

26 Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert. 1980. Pour les citations v. Éd. de Poche, Paris, Gallimard,
1987.

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