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ANIKÓ ÁDÁM

La contemplation de la nature est la seule chance de l’homme de pouvoir
saisir l'infini, c’est-à-dire de s'approcher de Dieu, créateur de la nature et de
l’homme.

« La nature est si loin de lui [de l’homme], qu’il ne l’ait pu contempler, ou la
croit-il le simple résultat du hasard ? Mais quel hasard a pu contraindre une
matière désordonnée et rebelle à s’arranger dans un ordre si parfait!° ?»

C’est une vision de l’univers qui se complète par l’aspect humain et introduit
dans les merveilleuses descriptions de la nature le temps personnel et individuel
de l’homme. La nature deviendra elle-même humaine et par ses secrets se révélant
indirectement à l’homme, lui transmettra une poésie pleine de symboles.

«Il n’est rien de beau, de doux, de grand dans la vie, que les choses mysté¬
rieuses. Les sentiments les plus merveilleux sont ceux qui nous agitent un
peu confusément [...]. S’il en est ainsi des vertus: les plus angéliques sont
celles qui découlent immédiatement de Dieu [...]. En passant aux rapports de
l'esprit, nous trouvons que les plaisirs de la pensée sont aussi des secrets. [...].
Tout est caché, tout est inconnu dans l’univers. L'homme lui-même n'est-il
pas un étrange mystère ? D'où part l'éclair que nous appelons existence, et
dans quelle nuit va-t-il s’éteindre!!? »

Tandis que le changement de vision sur le temps historique de Chateaubriand
représente un changement de paradigme entre l’époque des Lumières et le
romantisme, sa vision de la nature prolonge indubitablement celle des penseurs
du 17° et du 18° siècle (et surtout celle de Nieuwentyt et de Newton) mais sans
manquer de joindre à celle-ci un christianisme anthropocentrique, ainsi qu'une
vision spatiale et organique. Comme si l’homme reprenait la position centrale
qu'il a perdue après les découvertes de Kepler et de Galilée.

D'après notre hypothèse, la poétique de l’espace, dans laquelle Chateaubriand
exprime l'écoulement du temps en termes spatiaux, se base sur les conceptions
des histoires naturelles des siècles précédant son époque. C'est à ce stade que le
tournant entre deux époques, exprimé par une esthétique du vague, devient
sensible.

Pour saisir l'essentiel de cette poétique, nous nous proposons, sans entrer
dans les détails, d'examiner l’idée de la nature «à l'aube des Lumières? » qu'on
peut reconnaître dans les descriptions et analyses de Chateaubriand et qui englobe

1 Jbidem, 1, V, IL. p. 558.

U Ibidem, 1,1, 1. p. 473.

2 C'était le livre de Jean Ehrard (L'idée de nature en France à l'aube des Lumières. Flammarion, Paris
1970.) qui a inspiré notre hypothèse. Nous allons suivre ses réflexions.

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