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ÉTERNITÉ ET INFINI - LA CONTEMPLATION CHEZ CHATEAUBRIAND

soit matiére de réflexion sur la faute originelle : les siécles savants ont toujours
touché aux siécles de destruction?. »

Chateaubriand distingue clairement la vérité scientifique et absolue du
géométre (pascalien) et la vérité relative des choses humaines de la morale.
Evidemment il opte pour la morale:

«Il est vrai que les esprits géométriques sont souvent faux dans le train or¬
dinaire de la vie, mais cela vient même de leur extrême justesse. Ils veulent
trouver partout des vérités absolues, tandis qu'en morale et en politique les
vérités sont relatives. Il est rigoureusement vrai que deux et deux font quatre,
mais il n’est pas de la même évidence qu’une bonne loi à Athènes soit une
bonne loi à Paris. Il est de fait que la liberté est une chose excellente: d’après
cela faut-il verser des torrents de sang pour l’'établir chez un peuple, en tel
degré que ce peuple ne la comporte pas? ? s

Chateaubriand, tout en parlant de l'astronomie et de la géométrie, cite
beaucoup de philosophes et de savants pour démontrer les lacunes et les défauts
du savoir scientifique qui masque plutôt la faiblesse de l’homme face a la création
divine. Mais il ne veut pas comparer la pensée chrétienne et la pensée scientifique
étant donné qu’elles ne se présentent pas sur le même plan. La sagesse ne contredit
pas du tout la foi chrétienne, elle signifie une deuxième innocence qui ne se fonde
plus sur l'instinct mais sur la raison. Les vérités abstraites sont dangereuses
quand on confond le relatif avec l'absolu.

L'auteur, entre le temps et l'éternité, suit le développement de l’histoire avec
passion, mais éprouve devant les jours qui disparaissent, un trouble angoissé et
cherche l’au-delà à l’intérieur de son expérience. En ce temps où les hiérarchies
sont tombées, l’auteur prend librement les choses à sa façon et fonde sa propagande
sur une analyse presque phénoménologique du comportement spirituel,
intellectuel et sentimental de l’homme.

Au cœur des réflexions de Chateaubriand, dans le Génie du christianisme, se
trouve la notion de la nature, idée privilégiée du 18° siècle dont il est l’héritier
fidèle et rebelle à la fois. C’est la présence de l’homme et le regard humain qui,
dans ses écrits, procurent une moralité au paysage naturel. La nature est
mystérieuse parce qu'on ne connaît pas son origine, celle-ci étant la création de
Dieu.

® Ibidem, p. 550.
° Ibidem, Ul, II, I, p. 808.

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