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Olivier Schefer
Novalis, théorie et pratique de Vinfini

« Jaspire a faire de toute ma vie un roman — qui doit composer à lui seul une
bibliothéque tout entiére — et contenir peut-étre les années d’apprentissage
d’une nation. La formule années d'apprentissage est erronée — elle exprime
une direction déterminée. Chez moi, elle ne doit signifier rien d’autre que des
années de passage de l'infini au fini. J'espère par la même occasion satisfaire
mon aspiration historique et philosophique. » (Novalis, lettre à Caroline
Schlegel du 27 février 1799.)

L’infini comme utopie poétique

Plus qu’un concept abstrait ou qu’un état d’âme un peu vague, l'infini romantique
renvoie avant tout au programme théorique et artistique de transformation du
monde, soit à l'ambition profondément utopique de cette période. Ainsi, lorsque
Novalis écrit dans un fragment célèbre que le «monde doit être romantisé »,
formule emblématique de ce premier romantisme allemand en quête d’une vé¬
rité profonde, voire ancestrale, il ajoute : « Lorsque je donne à l'ordinaire un sens
élevé, au commun un aspect mystérieux, au connu la dignité de l'inconnu, au
fini l'apparence de l'infini, alors je les romantise!. s Et sans doute chacun de ces
termes (élevé, mystérieux, inconnu) a-t-il quelque chose à voir avec l’idée roman¬
tique d’infini. Ce concept est mouvant et particulièrement polymorphe et poly¬
sémique chez Novalis, mais aussi en cette période: il peut désigner tour à tour,
la nature, l’âme, Dieu, la nuit, la poésie et l'imagination. Aussi je ne tenterai pas
dans les pages qui suivent de proposer une ou des définitions de l'infini chez
Novalis, car à vrai dire toute les réalités essentielles sont qualifiées par lui, et par
ses comparses romantiques, d’infini, pour autant qu’elles sont profondes, abyssales

1 Novalis, fragment n° 105 des Poéticismes, in Novalis, Semences. Trad. Olivier Schefer, Paris, Allia,
2004, p. 142.

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