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LES « NUITS » DE GEORGES DE LA TOUR: MIROIR, VANITE ET CONTEMPLATION DE L'INFINI

La Tour parvient à créer dans ses « nuits » un univers étrangement clos, où
le temps et le mouvement sont suspendus. Dans ce contexte-là, la contemplation
peut être conçue, en quelque sorte, comme l'acte de la prise en compte du
sentiment de l’infini qui se cache au-delà du crâne ou encore de son reflet dans
le miroir. Dépouillées de tous les accessoires superflus, les « nuits » de La Tour
se limitent à l'essentiel. Elles représentent un monde où la parole n’a pas
d'importance, et où le silence et la contemplation remplacent le discours.

Voir ce qui est au-delà du miroir et de la tromperie des yeux, rendre visible
ce qui est autrement invisible : le pouvoir des tableaux de La Tour réside dans ce
qu'ils ne disent pas explicitement mais laissent suggérer. C’est là que l’on peut
saisir la magie de l’art de La Tour et de tous les grands artistes en général. Ils
possèdent notamment le pouvoir de transposer le spectateur dans la dimension
de la transcendance (soit-elle religieuse, mystique ou laïque), dans l’univers
spirituel des entités ineffables et indicibles où finit le monde des choses physiques
et où s'ouvre l'univers métaphysique. C’est également là que s’efface définitivement
la puissance des mots du langage humain et s'ouvre l'univers du discours imagé,
l'univers des images et aussi celui de l’imagination.

1) Georges de La Tour, La Madeleine au miroir (ou Madeleine Fabius). Vers
1640, Washington, National Gallery.

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