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KATALIN Kovács

contemporains™. De méme, c’est l’époque de la prolifération des Vanités dans la
peinture baroque, de ce type de nature morte au contenu intellectuel qui met en
scène des objets emblématiques: ils témoignent des richesses qu’il est vain de
posséder ainsi que de la fuite du temps. Les rares figures humaines dans les
Vanités sont habituellement celles des pénitents : saint Jérôme ou Marie-Made¬
leine qui, ayant abandonné toutes leurs possessions terrestres, se retrouvent dans
un état de solitude et de recueillement®. Saint Jérôme est généralement repré¬
senté dans le désert ou dans sa cellule et il est entouré d’un crâne et de ses livres
qui se réfèrent à sa spéculation intellectuelle. Quant à Marie-Madeleine, elle est
le plus souvent mise en scène abandonnant ses bijoux et regardant son image
dans le miroir : absorbée dans sa contemplation, elle réfléchit sur les fins ultimes
de la vie.

La version de La Tour sur le motif de la Madeleine pénitente, intitulée La
Madeleine au miroir, est un tableau bien étrange dont plus des deux tiers sombrent
dans le noir [V. Illustration n° 1]. Il montre la courtisane convertie assise devant
une table et baignée de la lumière d’une bougie : elle pose sa main gauche sur un
crâne et médite en face d’un miroir. Dans ce miroir apparaissent vaguement les
contours d’un objet curieux, d’une tête de mort que le spectateur ne peut pas
immédiatement identifier. S'agirait-il là d’un trompe l'œil baroque ? Il nous semble
que l’image veut plutôt inviter à une méditation sur la brièveté de la vie, sur
l'infini qui s’ouvre par l'intermédiaire du miroir. Cette supposition est renforcée
par le fait que, d’après la disposition de la peinture, Madeleine ne voit probablement
pas l’image du crâne dans le miroir. En effet, elle n’en a pas besoin pour sa
méditation car elle regarde vers l'infini, vers l'au-delà du miroir et du monde des
apparences.

Dans une autre version, probablement antérieure à celle qui a été précédemment
analysée, ce n’est pas le crâne qui se reflète dans le miroir mais la flamme de la
bougie : le titre du tableau est La Madeleine aux deux miroirs ou aux deux
flammes [V. Illustration n° 2]. Bien que dans les deux tableaux, les attributs de
la méditation soient les mêmes, les changements dans les détails impliquent des
interprétations différentes. Dans la version aux deux flammes, Madeleine semble
méditer, devant un miroir richement orné, davantage sur la vanité des biens
terrestres que s’absorber dans le repentir. Ses vêtements montrent une certaine

4 Olivier Bonfait, Anne Reinbold, Beatrice Sarrazin, LABCdaire de Georges de La Tour. Paris,

Flammarion, 1997, p. 21.
5 Frangois Bergot, « Le rien de tout ». In Alain Tapié (dir.), La Vanité dans la peinture du XVIF siècle.
Paris, Albin Michel, 1990, p. 43-47.

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