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KATALIN Kovács

toiles des sujets qu’on a l’habitude de qualifier de caravagesques, bien que cette
appellation concerne moins les sujets eux-mêmes que la manière de les traiter.
La manière «ténébreuse » se caractérise avant tout par des effets de lumière
spécifiques: l'éclairage nocturne, l’arrière-plan sombre ainsi que l’usage quasi¬
brutal du clair-obscur sont autant de moyens servant à « dramatiser » Les sujets
bibliques. À l'instar du Caravage, ceux-ci sont traités d’une façon laïcisée, comme
s’ils étaient des sujets consacrés aux scènes de la vie quotidienne.

En rapport avec l'influence caravagesque, les spécialistes (surtout anglo¬
saxons) de l’œuvre du peintre tombent d'accord pour ne pas voir dans le
«ténébrisme » de La Tour l’héritage exclusif du Caravage, parce qu’au début du
17° siècle, la « manière ténébreuse» était répandue dans toute l’Europe
occidentale’. D'une façon semblable, ils ne considèrent pas les sujets typiques
(religieux ou profanes) de La Tour comme relevant du répertoire du Caravage:
à leur opinion, il s’agit là davantage des sujets populaires, qui circulaient entre
les différents pays. Quant aux influences, ils trouvent que l’art de La Tour pouvait
s'inspirer tout autant de la peinture nordique (entre autres celle de Gerrit von
Honthorst), où l'éclairage à la chandelle était également une technique picturale
privilégiée, mais où le souci de réalisme allait de pair avec une forte géométrisation
des formes. Cependant, au lieu de vouloir rattacher l’art de La Tour à certaines
influences picturales, nous pensons qu'on pourrait parler plutôt d’une coïncidence
de tendances artistiques dont la fusion a abouti à l’œuvre de Georges de La Tour‘.
Il a notamment réussi à forger en un style unique les éléments issus des différents
courants picturaux, en y ajoutant aussi les composantes de sa propre manière.

De fait, les differences de l’art de La Tour par rapport à l’œuvre du Caravage
— et des peintres français qui lui étaient contemporains — sont bien nombreuses
et aussi importantes que les ressemblances. Si elles sont perceptibles dans les
tableaux diurnes, elles sont encore plus manifestes dans les nocturnes. Quant à
ces différences, on peut dire au préalable qu'elles consistent dans une qualité
difficile à mettre en mots et qui a rapport à la manière de peindre de l'artiste.

° Richard E. Spear, « Caravage et La Tour: ténèbres et lumière de la grâce ». In Choné (dir.), op. cit.,
p. 92 et Anthony Blunt, « Georges de La Tour at the Orangerie ». The Burlington Magazine, n° 114,
1972, p. 516-525.

6 Jean-Pierre Cuzin, «La Tour vu du Nord. Notes sur le style de La Tour et la chronologie de ses
œuvres ». In Jean-Pierre Cuzin et Pierre Rosenberg (dir), Georges de La Tour. Paris, Réunion des
Musées Nationaux, 1997, p. 74.

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