CONTEMPLER LINFINI : LES MÉDITATIONS RELIGIEUSES DE FRANGOIS II RÁKÓCZI
 L'interprétation parfois trop personnelle de l’Ancien Testament, l’identification
 sans équivoque de l’infini avec Dieu et la Vérité Éternelle comme caution de ses
 opinions devaient finir par entraîner des conflits avec les autorités de l’Église
 catholique. Les censeurs ont relevé, et non sans raison, une forte influence
 janséniste et une critique ecclésiastique indirecte répandues par les manuscrits
 qui circulaient au sein des milieux français du clergé et dans l'entourage des rois
 de France au cours de son séjour de cinq ans dans le pays”. Il fit une rencontre
 décisive, celle des représentants du jansénisme de Port Royal chez les Camaldules,
 à Grosbois, où il avait vécu en ermite assez longtemps. Il lut et étudia là-bas les
 œuvres d’Arnaud et de Nicole et trouva un lecteur et traducteur consciencieux
 (resté anonyme) parmi les moines. On connaît en effet une copie fragmentaire,
 corrigée du point de vue du style, des Réflexions (une sorte de transcription
 inachevée) et une traduction de la Confession en français, faites probablement
 au même moment, mais peut-être par un autre moine!. Dans les dernières
 méditations, rédigées parallèlement en plusieurs langues!, le prince applique
 le figurisme dans ses commentaires sur le Pentateuque et essaye d'éviter les écarts
 par rapport à la position de l’Église, sous l'effet des critiques ecclésiastiques. Le
 Préambule des Méditations renvoie explicitement aux objections des censeurs
 qui avaient trouvé trop indépendants ses écrits sur Dieu:
 « Quelques censeurs de mes Soliloques pour tous les jours de l’advent ecrits
 il y a plus de deux ans me reprenoient de ce que je m’elevois au dessus de ma
 portée, ce qui faut cause qu’ayant achevé mes Méditations pour le Caréme
 que j'ecrivois pendant le temps de la critique, je quittai la plume me bornant
 a ne chercher que dans la lecture des livres spirituels la nourriture spiri¬
 tuelle?. »
 Intimidé par les objections critiques venant des autorites de l’Eglise, Räköczi
 atente de rendre ses meditations plus convenables aux dogmes en donnant une
 forme consacrée à sa contemplation de l’Infini. Il médite toujours assez librement
 
traduction hongroise) et AR tome V, Meditationes.. — Méditations du prince Francois II Rákóczi (Mé¬
 ditations en forme de soliloques sur l'Évangile Sainte). Budapest, Balassi, 1997.
 
7 Sur la censure, v. Vizkelety, Andräs : x II. Rákóczi Ferenc elmélkedéseiről készült egyházi cenzori
 jelentések [Rapports censoriaux ecclésiastiques sur les méditations de Räkéczi].» In IEK 65 [1961],
 pp. 204-216. À la demande du vicaire apostolique de Naples, le prince a remis en 1719 le manuscrit
 (perdu depuis) d’une méditation latine écrite pour l'Avent, texte dont les censeurs ont relevé les
 erreurs théologiques jugées très graves par eux et les ont sévèrement condamnées.
 
18 C'est cette traduction manuscrite qui est publiée dans le volume de Corvina (v. la note 5 ci-dessus).
 1° V. mon article sur « Räköczi, écrivain bilingue. » In Cahiers de l'Institut Hongrois, n° 1, Paris, 1985,
 pp. 59-72.
 
2 Méditations, p. 523.