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TAMÁS PAVLOVITS

Dans la tradition chrétienne, la contemplation revét le méme sens. Chez les
mystiques, elle joue un rőle important dans l’unio mystica. La contemplation
permet de s'élever du naturel au surnaturel et de parvenir à la vision de Dieu.
Maître Eckhart souligne qu’au cours de ce processus la contemplation conduit
au-delà de la contemplation même:

« Mais bien que nous prenions congé par-là de tout le monde fini et nous nous
engagions sur la voie de la vérité, nous ne sommes cependant pas pleinement
bienheureux, même si nous contemplons la vérité divine. Aussi longtemps
que nous nous en tenons à la contemplation nous ne sommes pas encore en
ce que nous contemplons, aussi longtemps qu’un quelque chose est l’objet de
notre attention nous ne sommes pas Un dans l’Un. Car là où il n’y a rien qu'une
chose, on ne voit rien ! D'où il suit qu’on ne peut voir Dieu qu’en étant aveugle,
le connaître qu’en étant ignorant et ne le comprendre qu’en étant déraison¬
nable™. »

Sans citer d’autres exemples de la contemplation chrétienne (comme ceux de
saint Augustin ou du Pseudo-Denys |’Aréopagite) nous pouvons constater que
l'enjeu et la pratique de la contemplation sont les mêmes au Moyen Age que dans
l'Antiquité.

Dans ces théories, toutefois, l'imagination ne semble pas intervenir dans le
processus contemplatif. A fin de préciser son rôle dans la contemplation médiévale,
il faut se référer à l’œuvre de Richard de Saint-Victor, au Benjamin minor, De la
préparation de l'âme à la contemplation. Dans cette œuvre, Richard distingue
six degrés de la contemplation:

«Le premier est dans l'imagination et selon l'imagination seule. Le second
est dans l'imagination et selon la raison. Le troisième est dans la raison selon
l'imagination. Le quatrième est dans la raison et selon la raison. Le cinquième
est au-dessus de la raison, mais il ne la laisse pas de côté. Le sixième est
au-dessus de la raison, et il semble la laisser de côté". »

Au premier degré, l’homme contemple la beauté de la nature sans réfléchir.
Au deuxième, il cherche à l’aide de son esprit la raison des choses et des proces¬
sus naturels. Comme Richard l'explique : « dans le premier genre [...] ce sont les
choses mêmes, dans le second ce sont surtout leur raison, leur ordre, leur dis¬
position et la cause de chaque chose, son mode et son utilité que nous scrutons,

4 Des obstacles de la vraie spiritualité, in Œuvres de Maitre Eckhart. Trad. P. Petit, Paris, Gallimard,
1987, p. 294.
5 In Théologiens et mystiques au Moyen Age. Ed. A. Michel, Paris, Gallimard, Paris, 1997, p. 358.

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