OCR Output

LA CONTEMPLATION DES ESPACES INFINIS SELON PASCAL

lesguels sont de méme nature, mais troublés, alors gue les mouvements célestes
ne connaissent pas de trouble. Ayant étudié a fond ces mouvements célestes,
participant a la rectitude naturelle des raisonnements, imitant les mouvements
divins qui ne comportent absolument aucune erreur, nous pourrions stabili¬
ser les nôtres, qui ne cessent point d’errer?. »

Les objets de la contemplation sont les mouvements celestes qui représentent
par leur caractère ordonné l'intelligence divine. L'homme peut voir ces mouvements
et en comprenant leur ordre peut rendre sa pensée aussi ordonnée qu'ils le sont.
Ainsi, lors de la contemplation de l’ordre céleste et cosmique, l’homme devient
semblable à Dieu et parvient à imiter la pensée divine. L’imitation ne devient
parfaite que par l’acte de la nöesis (intellection) qui mène au-delà de la
contemplation. Par conséquent la theoria « dit un sentiment de présence, un
contact avec l’Etre saisi dans son existence. Cette saisie dépasse et le langage et
Vintellection. Lobjet vu est au-delà de l’ousia. Il est ineffable. Il ne se laisse
circonscrire en nulle définition » — résume Festugiére”®.

Pour Aristote aussi, la contemplation conduit la philosophie 4 son achévement.
Toutefois, chez lui, la contemplation est l’activité principale du Premier Moteur.
Dieu se contemple en se pensant soi-même. Sa pensée est la nôësis perpétuelle
dans laquelle le sujet et l’objet de la pensée sont uniques!!. L'homme, dans de
rares moments de sa vie, peut s'élever par la contemplation à cet état. La
contemplation, de même que chez Platon, met en œuvre le nous qui est la partie
divine et la partie fondamentale de l'être de l’homme!’. Par conséquent, la
contemplation conduit au moment où l'esprit humain s’unit avec l'esprit divin et
où l’homme atteint le vrai bonheur:

«Le bonheur est donc coextensif à la contemplation, et plus on possède la
faculté de contempler [le noûs], plus on est heureux, heureux non pas par
accident, mais en vertu de la contemplation même, car cette dernière est par
elle-même d’un grand prix. Il en résulte que le bonheur ne saurait être qu’une
forme de la contemplation. »

Nous voyons chez les grands théoriciens de la contemplation que cet acte
signifie l’achèvement de la pensée philosophique, qu’il va du sensible à l’intelligible
et qu'il rend possible l'élévation jusqu’au divin. La contemplation s’achève par la
saisie de l’Un qui correspond au bonheur suprême.

° Platon, Ibidem, 47 b-c, traduction d’A. Rivaud.

10 A.J. Festugiére, Op. cit., p. 5.

1! V. les fameuses pages de la Métaphysique, livre A, 9, 1074 b 34-1075 a5.
22 V. Ethique a Nicomaque, X, 7, 1177 b 25-1178 a8.

13 Ibidem, X, 9,1178 b, trad. J. Tricot.

« 59 «