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LA CONTEMPLATION DES ESPACES INFINIS SELON PASCAL

plation, le rapport de imagination avec Dieu peut être défini et comment l’ima¬
gination rend possible, comme la phrase le suggère, l'expérience de Dieu ? Ma
thèse consiste à dire que l’acte de la contemplation définit le bon usage de l’ima¬
gination selon Pascal.

Contemplation et «le plus grand caractère sensible » de Dieu

Voyons d’abord la citation en question de plus près, et examinons ensuite son
contexte. « C’est Le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu
que notre imagination se perde dans cette pensée » (199) — affirme Pascal. Lors
de l'analyse de cette phrase, on se heurte à deux problèmes fondamentaux. Le
premier concerne l'expression « caractère sensible de la toute-puissance de Dieu »
(199). Le mot « sensible » implique que le divin peut devenir l’objet d’une expé¬
rience. De quelle expérience s’agit-il ici? Cette expérience s’effectue au travers
la perdition de l'imagination dans la pensée de l’infinité de l’univers. Toutefois
l'échec de l’imagination ne peut pas être une expérience sensible à proprement
parler, car ledit échec n'implique aucun changement dans l’ordre de la sensibi¬
lité. Sans objet sensible, l'expérience à laquelle Pascal fait référence doit donc
être interprétée comme une expérience intérieure que l’homme éprouve au cours
de la contemplation de l’infinité de la nature. Cette expérience est attachée au
fonctionnement de l'imagination et se trouve mise en rapport avec la toute-puis¬
sance de Dieu. D'où la deuxième difficulté de l'interprétation de la phrase, rela¬
tive à son aspect théologique. Elle consiste à savoir pourquoi Pascal parle de
l'expérience de la toute-puissance de Dieu à propos de la contemplation de la
nature, alors qu’il souligne ailleurs l'impossibilité de déduire l'existence de Dieu
de l’ordre naturel. De nombreux fragments des Pensées insistent sur le fait que
le ciel ne prouve pas Dieu et que les auteurs canoniques n’ont jamais utilisé de
telles preuves“. Dans ces passages, Pascal s'oppose radicalement à la théologie
naturelle et rationnelle, de même qu'aux preuves métaphysiques de Dieu. En
affirmant que la contemplation rend sensible la toute-puissance de Dieu, cette
phrase semble faire exception dans la doctrine pascalienne. Deux questions se
posent donc. Comment l'expérience négative de l'échec de l'imagination pro¬
duit-elle l'expérience du divin ? Comment cette phrase s’accorde-t-elle avec la

* «Et quoi ne dites-vous pas vous-mêmes que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? Non. Et votre

religion ne le dit pas ? Non. » (4), et « C'est une chose admirable que jamais auteur canonique ne s’est
servi de la nature pour prouver Dieu » (463).

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