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LA CONTEMPLATION, SES COMPOSANTES ET SES OBJETS SELON THOMAS D’AQUIN

chacun se réjouit quand il obtient ce qu’il aime, la vie contemplative se termine
dans la jouissance, qui appartient 4 l’amour 37.

Cette distinction entre contemplation du paien et du baptisé, qui concerne
l'acte suprême de l’intellect humain, fonde aussi selon Thomas la distinction et
le rapport entre philosophie et théologie, et cela il l’affirme dès son prologue du
commentaire des Sentences:

«Il faut savoir que tous ceux dont la pensée était juste ont considéré que la
fin de la vie humaine consistait en la contemplation de Dieu. Or celle-ci est
double. Une contemplation s’effectue par les créatures; elle est imparfaite
pour la raison que l’on a dite [ibidem, contra 2], et c'est en elle que le Philo¬
sophe a reconnu la félicité contemplative. Cette félicité cependant est celle
d’ici-bas, et toute la connaissance philosophique qui procède de la considé¬
ration de ce que sont les créatures lui est entièrement ordonnée. Il est une
autre contemplation de Dieu, par laquelle on le voit immédiatement en son
essence, et qui est parfaite: elle aura lieu dans la Patrie et selon ce que croit
la foi elle est possible à l’homme. Et ainsi convient-il que les moyens soient
proportionnés à la fin, et que l’homme ici-bas soit conduit 4 cette contempla¬
tion par une connaissance qui n’est pas tirée des créatures, mais qui tire di¬
rectement son inspiration de la lumière divine. Cela, c’est la doctrine théolo¬
gique™. »

Pour Thomas toute connaissance philosophique est ordonnée a la contemplation
de Dieu, comme l’est également la doctrine théologique, chacune à sa manière:
la philosophie par les créatures et selon la lumière naturelle de l’intellect; la
théologie en considérant elle aussi les œuvres divines dans le monde, mais inspirée
« directement de la lumière divine ». La théologie ne remplace pas la philosophie,
dont les connaissances sont plus connaturelles à la nature de l’intellect humain,
mais elle s’en sert pour élaborer ses connaissances surnaturelles#. La recherche

1174b31-34, transl. R. Grossateste, rec. recognita (AL XXVI, fasc. 4, p. 570, I. 27-28) ; In III Sent.,
d. 35, q. 1, a. 2, sol. 1 (éd. M. F. Moos, p. 1177, n. 31-33).

2 Ife-]/“, q. 180, a. 1, resp. (éd. Leon., t. 10, p. 424).

2 In I Sent., prol., a. 1 (éd. A. Oliva, Les débuts de lenseignement de Thomas d'Aquin et sa conception
de la sacra doctrina, avec l'édition du prologue de son Commentaire des Sentences. Paris, J. Vrin,
« Bibliothéque thomiste » 58, 2006, p. 312-313, 1. 31-41). V. aussi Summa contra Gentiles [ScG], I, 4
(ed. Leon., t. 13, p. 279, I. 14b-25b).

3 V. I* Pars, q. 1, a. 5, ad 2m: «Et hoc ipsum quod sic utitur eis [a savoir, le fait que la théologie se
sert des sciences philosophiques], non est propter defectum vel insufficientiam eius [de la théologie],
sed propter defectum intellectus nostri; qui ex his quae per naturalem rationem (ex qua procedunt
aliae scientiae) cognoscuntur, facilius manuducitur in ea quae sunt supra rationem, quae in hac scientia
traduntur » (éd. Leon., t. 4, p. 16; nous soulignons).

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