est, on vient de le voir le contraire même de l'infini). Le christianisme brise cette
continuité, qui ne peut plus être rétablie que par la Grâce, qui nous est, ou non,
accordée du fait de la médiation sacrificielle du Sauveur’. C’est dans la coupure
douloureuse qui sépare l’homme et Dieu, coupure induite par le péché, que la
transcendance divine exacerbe le contraste entre l’homme et Dieu, ce qui rend
ainsi évidente l’infinitude divine. Dieu est donc au-delà de toute mesure:
infiniment bon, infiniment grand... infiniment ne se dit pas en grec. À l’homme
fini s'oppose ainsi Dieu infini, mais d’une infinitude plutôt que d’une infinité qui,
au fond, ne veut rien dire, sinon que Dieu dépasse toute mesure et, par là même,
toute pensabilité. Dire l’infini de Dieu, c’est renoncer ipso facto à le penser, en
lui prötant un attribut impensable et uniquement négatif. L'infini est, par
excellence, le concept qui permet le mieux de dire Dieu sur un mode qui transcende
toute pensée.
L'émergence de la pensabilité de l’infini est singulière et paradoxale, puisqu'elle
apparaît dans un cadre théologique circonstancié, et que cette pensabilité est
celle d’un impensable, ce qui n’a de sens que dans un cadre de théologie négative.
Doit-on déduire de cette émergence, que les concepts naissent dans des
structures épistémiques produites par l’histoire, c’est-à-dire, plus précisément,
par la manière concrète et aléatoire dont les hommes ont résolu leurs problèmes ?
Autrement dit, la pensée est-elle un artefact ? Un structuralisme radical répondrait
sans doute positivement. Je considère, au contraire, que les structures sont des
lieux de formulation, de prise de conscience d’une réalité qui, en soi, nous échappe
toujours, puisqu'elle est totale et que nous ne le sommes pas, mais que nous
approchons, à travers ces biais, d’une réalité qui, en soi, nous échappe
nécessairement sans pour autant nous être étrangère.
En l'occurrence, derrière la question du socle épistémique qui en contraint
les conditions d'apparition, quel est le problème qui alimente la logique de la
contemplation ? C’est la perception, qui constitue un défi conceptuel qui n’a pas
réellement été circonscrit. L'approche classique de la perception, telle que le débat
7 La grande différence entre hellénisme et christianisme tient à cette hypothèse de continuité, admise
par les Grecs, et refusée par les chrétiens. Pour les Grecs, l’homme peut remonter jusqu’à Dieu, alors
que dans le christianisme, la voie est radicalement coupée par le péché, mais rouverte par le salut
donné aux hommes par la médiation du sacrifice du Sauveur.
# On comprend par là que l'opposition réalisme/idéalisme est une construction artificielle non
pertinente, puisqu'elle suppose que soit on connaît immédiatement la réalité, ce qui repose sur le
postulat exorbitant de l’'homologie parfaite de notre esprit et de la réalité, soit ce qu'on croit connaître
n’est qu’une production arbitraire de la collectivité humaine, ce qui bafoue les principes les plus