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bouteilles sont de plus en plus nombreuses”. Cette véritable révolution dans la conservation des vins se met en place entre la fin du XVII" siécle et le début du XIX“. Pendant longtemps, les bourgognes sont très largement prédominants”, les bordeaux ne devenant assez fréquents que dans le dernier tiers du XVIIT siècle et ne tenant dans maintes caves une place importante qu’à partir de l’Empire. Dès le premier tiers de ce même XVIII siècle, les milieux aristocratiques de Versailles et de Paris ont accordé de plus en plus de place aux vins doux, liquoreux et de liqueur, avec une forte prééminence des vins ibériques, une place réduite des vins français du même type, et un réel intérêt pour des vins étrangers de cette nature, rares et chers, ce qui est une véritable innovation dans le domaine des boissons. Ils ont ainsi accompagné une orientation de plus en plus marquée vers la recherche de vins de qualit锑qui n’est en rien une spécificité française ; en réalité, la haute société anglaise a devancé l'aristocratie française aussi bien dans son goût pour les vins noirs et vins de garde ou le champagne que dans sa propension à consommer les vins doux, liquoreux ou de liqueur : c’est au début du XVIII siècle que les portos, sherries et madères y ont pris une importance considérable dans l’ordonnancement des déjeuners, la consommation viticole et les réceptions”” . On peut par ailleurs penser que la plus grande présence des vins ibériques dans le royaume de France dans la première moitié du XVIII siécle est liée à la guerre de la Succession d’Espagne, beaucoup de nobles officiers à l’armée et de membres du haut personnel administratif ayant été amenés à séjourner en Espagne. C’est ainsi que les vins doux, de liqueur et liquoreux ont désormais fait partie du nouveau savoir-vivre gastronomique qui s’est mis en place au cours du XVIII siècle et qui a été dominant dans la haute société au cours du siècle suivant. La baronne Staffe en a précisé les règles au début des années 1890, montrant l’ordre dans lequel les vins doivent pouvoir être dégustés lors des grands dîners : « Après le potage, le vin de Madère, ou le vin du Cap, ou le vin de Sicile, ou le vin ordinaire. Pendant le premier service, les deuxièmes crus de Bordeaux ou de Bourgogne, ou continuation au vin ordinaire. Avant le rôti, les vins de Château Yquem ou du Rhin (moelleux obligatoire). Pendant le second service, les grands crus de Bordeaux ou de Bourgogne, ou du vin un peu supérieur à l'ordinaire. % Dans les catégories populaires, les caves ayant des bouteilles sont peu nombreuses : souvent, on n’y dénombre que quelques bouteilles mais il peut arriver que l’on y trouve un ou deux muids. A la fin du XVII: et au début du XVIII: siècle, on y trouve essentiellement des vins locaux ; à partir des années 1730, les bourgognes y sont de plus en plus nombreux, à l’exclusion bien sûr des vins de grande qualité et d’un prix élevé. 95 Jean-Pierre Poussou, « De la prééminence des bourgognes dans les caves à vins parisiennes au XVIII: et dans la première moitié du XIX siècle », Cahiers d’ histoire de la vigne, n° 9, 2009, p. 157-166. °° C'est à Henri Enjalbert que nous devons le regard nouveau porté sur l’histoire des grands vins et le développement des vins de garde à la fin du XVII et au XVIII’ siécle : Histoire de la vigne et du vin : l'avènement de la qualité, Paris, Bordas, 1975, p. 96-104. Voir également la mise au point de Gilbert Garrier, « Perspective historique : l'émergence de la qualité en Europe (1650-1855) », dans Gilbert Garrier et Rémy Pech (dir.), Genèse de la qualité des vins : l’évolution en France et en Italie depuis deux siècles, Chaintré, Bourgogne-Publications, 1984, p. 13-25. 7 Voir supra note 85. 173