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en dehors du plus haut niveau social. Au XIX" siécle, ces vins rares et coűteux?§
ne se rencontrent pratiquement plus en dehors des restaurants où d’ailleurs ils ne
tiennent pas une grande place : déjà en 1821, dans la cave du restaurant Gautier
il ny a que 11 bouteilles de vin de Syracuse, 11 autres de vin de Constance, ainsi
que 14 demi-bouteilles de tokay. En 1841, Les trois freres provençaux ont 22 bou¬
teilles de vin de Chypre mais ni tokay ni constance. En 1860, Le Doyen n’a aucun
de ces vins mais 5 bouteilles de vin de Johannisberg® ; en dehors de 3 bouteilles
de vin de Lunel, les seuls vins doux sont ibériques. La présence de ces derniers
est au contraire devenue une norme au XIX* siécle dans les caves parisiennes, y
compris les caves bourgeoises. Par exemple, en 1827 le notaire dénombre dans la
petite cave — sa valeur est estimée à 607 francs - de Jacques Blondel, ancien avocat
et ancien receveur des contributions, 16 bouteilles de vin de Tenerife, 19 de mal¬
voisie, 28 de madère et 17 de malaga. Il faut d'autant plus le souligner que les vins
doux du Bordelais ne se rencontrent que rarement. Néanmoins, il arrive que dans
certaines caves les vins ibériques soient prédominants, telle celle du vicomte Firlet,
pair de France : sa provision de vins est évaluée à 3681 francs dont 2082 pour les
vins ibériques. Il existe aussi des caves importantes où ils sont présents en grandes
quantités, comme en 1821 celle de Charles François Gazzani, receveur général
du département de l'Eure, cave qui est caractérisée, par ailleurs, par une réelle
diversité : 168 bouteilles de sauternes, 245 de malaga, 6 de Lunel, 23 de porto,
113 de Carcavelle", 100 de vin de rancio jaune , 110 de madère, 79 de xérès, 12 de
malvoisie, et 85 de pacaret. Dans divers placards et armoires”', au second étage, le
défunt avait placé 29 bouteilles de xérés, 29 de pacaret, 30 de pacaret doux et 30
de vin de Pedro Ximenez”.

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Les analyses gui précédent ont mis en valeur le rőle de la société de cour et des
aristocrates français en général” dans l’évolution des goûts viticoles ainsi que leur
rôle pour le développement et les changements de la composition des caves où les

#8 En 1851, la cave d’Edouard Emile Poirson, petit marchand de vin de la rue du Rocher, montre bien les

différences de prix : son mâcon et son chablis ne valent que 45 centimes la bouteille, le « bordeaux fin »
2 francs, le madère 4 francs.
Il s’agit d’un vin du Rhingau, en dessous de Mayence, donc un vin du Rhin.

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9 Carcavelos fait partie de la commune de Cascais, prés de Lisbonne ; on y produit des vins blancs doux

réputés : voir A. Jullien, Topographie de tous les vignobles connus..., op. cit., p. 429.
Très fréquemment, à partir du dernier tiers du XVIII siècle, les vins d’entremets, tout particulierement
les vins ibériques, sont conservés non pas à la cave mais dans des armoires ou placards, ce qui oblige à

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lire la totalité de linventaire lorsqu’on le dépouille a la recherche de vins.

C’est un malaga liquoreux et trés parfumé, « le plus estimé de ce vignoble » : Topographie..., p. 418.
Mais la remarque vaut également pour les aristocrates étrangers dans leurs pays respectifs : voir Jean¬
Pierre Poussou, « Le développement au XVIII: siècle, en Angleterre et en France, d’une société de
consommation et de loisirs », dans Luc Fraisse (dir.), Séries et variations : Études littéraires offertes à Syl¬
vain Menant, Paris, PUPS, 2010, p. 173-188 ; Id., « L’essor d’une consommation de luxe : grands vins et
eaux-de-vie de qualité (16501-850) », dans Claire Desbois - Thibault, Werner Paravicini et Jean-Pierre
Poussou (dir.), Le Champagne : une histoire franco-allemande, Paris, PUPS, 2011, p. 49-78.

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