qui est aussi une consommation de luxe puisque ces vins sont coűteux".Les vins
 andalous, portugais, et autres vins doux ou liquoreux étrangers sont ainsi un mar¬
 queur social car « ils sont réservés à des gens qui ont un pouvoir d’achat suffisam¬
 ment important leurs prix étant en général beaucoup plus hauts que ceux des
 vins courants »?. C’est ainsi qu'en 1761 « les vins doux sucrés (muscat, malaga,
 malvoisie) figurent presque à chaque repas » à la table de Claude-Philippe Fyot
 de La Marche, premier président au parlement de Bourgognef. Les La Trémoille
 également apprécient les vins d'Espagne : leur compte de 1782-1783 indique que
 l'on trouve dans leur cave « trois paniers de vin d’Espagne » évalués 168 livres, et
 une barrique de malaga d’une valeur de 210 livres ; en l’an III, lors de la saisie,
 sont présentes dans leur cave 195 bouteilles de vin de Malaga, 37 de vin de Rota,
 24 de muscat, 7° correspond à un bel éclectisme®*. Il peut néanmoins arriver que
 des vins français soient d’une valeur supérieure : lors de son voyage en France, To¬
 bias Smollett note en Languedoc que « le vin doux de Saint-Laurent‘, qui passe
 pour égaler celui de Frontignan, cotite huit ou neuf pence le quart, un bon malaga
 deux fois moins »®.
 
En dehors du sommet des élites sociales, ce n’est qu’à partir des années 1740
 que les vins ibériques se rencontrent dans les caves. Ainsi, en 1745 le très gros
 inventaire de l’avocat Alexis François Normant - il est prisé à 61009 livres — com¬
 porte du vin d’Espagne, aussi bien dans sa cave de Paris : 2 SO bouteilles, que dans
 celle de son domaine de Bris-sous-Forges : 190 bouteilles, d’une valeur de 150
 livres et 10 bouteilles de vin d’Alicante, évaluées à 8 livres, ce qui au demeurant
 ne correspond qu’à des prix faibles, pour des raisons que nous ignorons. Quelques
 années plus tard, en 1753, Jacques Robin de la Peschellerie, conseiller secrétaire
 du roi, a dans sa cave 40 bouteilles de malaga, évaluées à 100 livres, 6 bouteilles
 et demi-bouteilles de rancio qui en valent 18,29 de rancio « très faible » d’une va¬
 leur de 15 livres, 38 petites bouteilles de rancio : 48 livres, 17 bouteilles d’alicante
 rouge : 50 livres, 17 de vin d'Espagne d’une même valeur, 6 de xérès et 6 de pacaret
 évaluées à 15 livres®’. Pourtant, de tels exemples restent rares, voire exceptionnels :
 
 
61 Jean-Pierre Poussou, « Le développement au XVIII: siècle, en Angleterre et en France, d’une société
 de consommation et de loisirs », dans Luc Fraisse (dir.), Séries et variations. Études littéraires offertes à
 Sylvain Menant, Paris, PUPS, 2010, p. 173-188 ; Id., « Lessor d’une consommation de luxe : grands vins
 et eaux-de-vie de qualité (1650-1850) », dans Claire Desbois-Thibault, Werner Paravicini et Jean-Pierre
 Poussou (dir.), Le Champagne : une histoire franco-allemande, Paris, PUPS, 2011, p. 49-78.
 
Frédéric Duhart, « Los vinos andaluces en la Francia ilustrada : contribucion a la antropologia del buen
 gusto », dans Frédéric Duhart et Sergio Antonio Corona Puez (dir.), Vinos de America y de Europa ‚Paris,
 Editions Le Manuscrit, 2010, p. 249-258, loc. cit. p. 250. — Frédéric Duhart indique notamment qu’à
 Mont-de-Marsan en 1756 « une bouteille de xérès ou de malaga coûte trois fois le prix d’une bouteille
 du vin blanc local ».
 
« Les bouteilles du président. s, art. cit., p. 154.
 
Données aimablement communiquées par Jean-François Labourdette. Les achats de vins des La Tré¬
 moille sont présentés dans son excellent ouvrage La Maison de La Trémoille au XVIIF siècle, Paris, Ho¬
 noré Champion, 2021, p. 123.
 
Il s’agit de Saint-Laurent près de Tarascon. André Jullien le cite parmi les vins de liqueur dans sa Topo¬
 graphie..., p. 271.
 
Voyages à travers la France, Paris, José Corti, 1996, p. 186.
 
7 AN, MC/ET/XIV/347.