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inventaires de marchands de vins. Il y a là une évidente opposition pour laquelle
nous n'avons aucun élément d'explication. Faut-il supposer que ces vins n’arrivaient
qu'en petites quantités et étaient bus rapidement ? Quoiqu'il en soit, il est curieux
de ne pas en trouver dans les inventaires des marchands de vins.

En fait, c'est seulement en 1709 qu'une première mention de vin ibérique fi¬
gure dans une cave, celle de François Louis de Bourbon, prince de Conti, en son
chateau d’Issy : il s’agit d’une demi-pipe et de 288 bouteilles de vin d'Espagne,
et de 10 bouteilles de vin d’Alicante qu'accompagnent 60 bouteilles de vin de
Sillery* vieux et 72 bouteilles de vin de Sillery nouveau“. Sur un ensemble de
43 inventaires de grands personnages que nous avons trouvés pour les année 1680
à 1749, onze seulement, qui se situent chronologiquement après celui du prince de
Conti, mentionnent des vins ibériques. Il se produit néanmoins un changement
puisque de 1709 à 1719 sur 12 inventaires 3 seulement en mentionnent alors que
de 1730 à 1749 c'est le cas de 7 sur 9. Et nous avons même en 1730 la belle cave
du maréchal d’Huxelles qui leur fait une place tout à fait notable : 90 bouteilles
de vin de Malaga, 100 de vin d’Alicante, 100 de « vin d’Espagne ». L'année 1730
paraît marquer un tournant : dans les inventaires des défunts appartenant à des
milieux aristocratiques, mais aussi de ceux de ces gens très riches que sont les
fermiers généraux et les conseillers au parlement, la présence de vins ibériques
devient la règle et ils se retrouvent également chez des gens d’un moindre niveau
social mais fortunés. Même des caves d’une ampleur modeste en comportent, telle
celle, en 1757, de Guillaume Aubéry, chevalier de Vartan, cornette de la seconde
compagnie des Mousquetaires du roi : le notaire a dénombré 50 bouteilles de vin
rouge de petite Bourgogne, 24 de vin de Champagne, 124 de vin de Graves, 9
de vin de Chypre, 2 de rota*’, 40 de malaga*!. L'année suivante, Madeleine du
Verduc, veuve d’un ancien commissaire de la Marine, remariée à un lieutenant
aide-major des Gardes françaises, laisse une demi-queue et 20 bouteilles de vin
de Bourgogne, 50 bouteilles de vin d’Alicante évaluées 125 livres tournois et 50
de vin de Malaga évaluées 120 livres”. Un simple écuyer comme Charles Maurice
Duraffour, qui habite rue des Bons Enfants, laisse une cave très éclectique bien
que sa valeur ne situe qu’à 1116 livres 10 sols, dans laquelle il y a un peu de vin du
Cap, de Chypre et de Malvoisie, et un ensemble varié de vins ibériques : 7 bou¬
teilles de vin d’Espagne, 7 carafons de vin blanc de Malaga, 14 flacons du même
vin, 3 demi-bouteilles d’Alicante et 9 carafons de rouge de Rota*. Dans des caves

‘8 Sillery se trouve dans la montagne rémoise.

# AN, MC/ET/XCI1/389, 25/03/1709.Notons toutefois que dans son château de l’Isle-Adam, qui figure
au même inventaire, il n’a pas de vin d’Espagne, seulement du bourgogne et du champagne.

°° Dans sa Topographie..., page 414, A. Jullien définit ainsi le vin de Rota : « ce bourg, à 20 kilomètres au
nord de Cadix, produit Le plus célèbre et le meilleur des vins rouges d’Andalousie…Il est liquoreux sans
être fade, a beaucoup de chaleur... Il ressemble un peu 4 celui d’Alicante... mais sa couleur est plus fon¬
cée, il dépose moins, ... il est plus doux... on ne le sert pas ordinairement sur table... ».

t AN, MC/ET/VIII/1120,18/01/1757. — Cette cave se trouve dans son chateau de Saint-Isnes, dans
l’Oise. Linventaire nous a aimablement été communiqué par Julien Wilmart.

° AN, MC/ET/XCV/257,30/01/1758, inventaire aimablement communiqué par Marc Perrichet.

#3 AN, MC/ET/XX/653,22/10/1764, inventaire également communiqué par Marc Perrichet.

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