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à un goût très fort de ces clientèles pour ces vins blancs, ce qui avait entraîné le développement des vignobles les produisant et une adaptation de ces vignobles à la demande de la clientèle”. D’autres vins doux ou liquoreux frangais se retrouvent dans les caves parisiennes. Il s’agit le plus souvent de frontignans*, de lunels et de vins du Roussillon, lesquels, considérés ensemble, sont bien davantage présents que les vins doux bordelais. Parmi les autres vins du Sud-Ouest de même nature, le jurançon est le seul qui se rencontre à plusieurs reprises. Les vic-bilh ou bergerac doux ou liquoreux sont rarissimes, les sainte-croix-du-mont* et les clairac sont absents ; ces vins étaient pourtant trés recherchés par les Hollandais aux XVII et XVIII siècles et ils sont toujours trés demandés aux Provinces-Unies*. Exceptionnellement, nous avons trouvé mention de vins de Capbreton. I] résulte de ces éléments que si les vins blancs doux ou liquoreux du Sud-Ouest de la France*f sont présents dans les caves des élites, ils n’y tiennent pas une place très importante : même le maréchal de Richelieu, pourtant duc de Fronsac et gouverneur de la Guyenne de 1758 à 1788, n'a pas de sauternes dans ses caves, alors qu’il est souvent écrit qu'il a beaucoup fait pour la renommée des bordeaux à la cour et à Paris ! * Mais il est non moins évident que, par exemple, le vouvray lui non plus n'est pratiquement pas présent dans les caves parisiennes, ce qui correspond à une faible place des vins doux et des liquoreux dans beaucoup de caves, les vins rouges étant fortement majoritaires dans toutes. rk Si les vins rouges constituent l'essentiel de la plupart des caves jusqu’au milieu du XVIII siècle, à partir du deuxième tiers de celui-ci elles se caractérisent aussi par la forte présence des vins ibériques doux ou liquoreux. D'une manière globale, #2 Stéphanie Lachaud-Martin, « Pour se conformer au goût des nations étrangères : l’influence des pays d'Europe du Nord dans le développement des vignobles liquoreux aquitains », Histoire, Economie et Société, vol. 41, 2022, 1, p. 104-125. # Ils sont très recherchés et souvent d’un prix élevé. Il en va de même des muscats de Lunel, cultivés à l’origine sur les coteaux et les terrasses, mais qui sont descendus dans la plaine à partir du XVI: siècle pour répondre à la demande. # Nous n'avons trouvé qu’une seule mention de ce vin, dans la cave de Nicolas Beaujon, qui venait, il est vrai, de Bordeaux : « 1200 bouteilles de vin blanc cru de bordeaux de Sainte-Croix-du-Mont, évaluées à 600 livres s, ce qui donne un prix très faible. - AN, MC/ET/LV/76, 29/01/1787, acte aimablement communiqué par Mathieu Da Vinha. 35 Anne Wegener-Sleeswijk, « Du nectar et de la godaille : qualité et falsification du vin aux Provinces-Unies, XVIIT siècle », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, t. 51, 2004, 3, p. 17-43. % Sur l’ensemble de ces vins, J. P. Poussou, « Un autre regard sur les vignobles des Hauts-Pays aquitains à l’époque moderne et au XIX° siècle », dans Jean-Robert Pitte (dir.), Le bon vin, entre terroir, savoir-faire et savoir-boire : Actualité de la pensée de Roger Dion, Paris, CNRS éditions, 2010, p. 187-211. 37 Alors qu'on le crédite souvent d’avoir permis la diffusion des vins du Bordelais à Paris et à la cour de Versailles, on a une tout autre image du maréchal lorsque l’on considère sa cave où il n’y a pas de sauternes ni d’autre vin doux du Sud-Ouest, et beaucoup moins de bordeaux rouges que de bourgogne ! L’inventaire de la cave de son hôtel d’Antin, après son décès en 1788, a été publié par Émilie Champion dans le bel ouvrage qu’elle lui a consacré : Le Maréchal-duc de Richelieu, l'héritier du cardinal, un homme de pouvoir et de guerre au siècle des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2022, p. 127-130. 163