ces sources nous font défaut. Par ailleurs, René Pijassou, étudiant Haut-Brion,
remarque 4 la fin du XVII° siécle, une évolution dans l’organisation du travail
viticole, les contrats pour la taille des vignes disparaissant a partir de 1693-1694.
« Les ouvriers vignerons étaient devenus des permanents : ils étaient payés toutes
les semaines par les soins de l’intendant du propriétaire... Tous ces travaux étaient
dirigés et surveillés par le valet. »* Haut-Brion serait-il un exemple pionnier et
unique ? Il semblerait que non.
Le triomphe du valet à gages
C’est de façon inattendue dans les registres de l’intendance“ que l’on peut repérer
un changement du mode de mise en valeur. La raison en est que le passage au
faire-valoir direct était un moyen de se soustraire à la taille. Comme le remarquait
John Locke en 1677, « la terre noble ne paie pas de taille si le propriétaire la tient,
mais si elle est louée, le locataire la paie »*. Le conseiller Joseph de Mons déclare
par exemple qu'après avoir affermé ses biens de la paroisse de Saint-Romain, il
les reprend pour les faire travailler à sa main et qu’à ce titre, il demande une
exemption de taille“. La même démarche se rencontre aussi chez Jean-Antoine de
Raoul pour une aubarède de la paroisse de Villenave, ou chez le président à mortier
Jean-Baptiste de Secondat de Montesquieu qui recouvre la métairie « à Coudret »,
paroisse de Baron, abandonnée par le métayer, pour la faire travailler à sa main. Au
total, ce sont près de quinze cas que nous avons pu repérer, treize étant regroupés
sur les années 1690 à 1696. Cette concentration semble révéler un changement des
modes de mise en valeur, mais nous devons être prudents quant aux conclusions
apportées. Selon les déclarations des magistrats, on ne trouverait plus de bordiers
ou de métayers, ni même de prix-faiteurs, car ceux-ci, trop chargés de taille, re¬
nonceraient à prendre la culture des terres. C’est là, la rhétorique traditionnelle des
plaintes anti-fiscales, mais la concentration des actes sur les années économique¬
ment très dures de la fin du XVII° siécle corrobore les dires des magistrats. On est
alors soucieux d'économiser le plus possible et une exemption de taille est toujours
profitable. Est-ce à dire pour autant qu'un changement dans le mode de mise en
valeur s'ensuit automatiquement, ou ne s’agirait-il pas plutôt d’une façon habile de
contourner la fiscalité d’Ancien Régime ? L’explication pourrait convaincre mais
les dépouillements que nous avons pratiqués par tranches chronologiques chez les
notaires bordelais tendent à montrer que les contrats de fermage et de métayage
se font de moins en moins nombreux au fur et à mesure que l’on avance dans le
#6 René Pijassou, of. cit., p. 344.
4 AD 33, C 4869 à 4871.
‘8 Francois-Georges Pariset, « Locke à Bordeaux (1677-1678) », Revue historique de Bordeaux, 1954,
p. 89-94, ici p. 87.
9 AD 33, C 4869, 156v, 29/09/1693, déclaration.