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rations de culture sous la direction d’un régisseur, comme le célébre Dommenget
a chateau Latour. Pour les vignobles de moindre valeur, on préférait engager une
famille de paysans pour toute l’année afin de travailler 7 à 8 acres. Ces prix-faiteurs
alignaient et taillaient les vignes, mais ne labouraient et ne récoltaient pas, travail
qui était assuré par des journaliers. Au siècle suivant, Les Lur Saluces optèrent à
leur tour pour la solution du régisseur, et les Garros devinrent les grands alchi¬
mistes des chais d’Yquem comme l’a montré Marguerite Figeac-Monthus dans sa
thèse”. Sous l’impulsion de la noblesse « les grands crus étaient bien les labora¬
toires de la modernité comme le soulignait avec raison Gérard Aubin”®. Cette nou¬
velle viticulture reposait sur le choix judicieux de cépages nobles, l’art de préserver
un pourcentage élevé de vignes âgées, la sélection opérée lors des « égalisages » et,
bien sûr, les débuts du vieillissement dans les dernières années du siècle. Il est hors
de doute que ces propriétaires venus de la ville avaient su faire les bons choix et ce
n'est pas le hasard s'ils se conduisirent comme des défenseurs intransigeants de la
viticulture au sein de leur compagnie, Montesquieu restant ici, le plus célèbre des
exemples. Seuls de grands domaines avaient les moyens financiers pour opérer ces
mutations.

Depuis, nous avons dirigé la thèse de Caroline Le Mao qui, comme elle aura
l’occasion de nous le montrer, a pu mettre en évidence l’émergence de ces grands
domaines au XVII siècle?” ainsi que celle de Stéphanie Lachaud sur le vignoble
du Sauternais où elle démontre que les rassemblements de terre ont été amorcés
dès le XVII siècle. Ces deux brillantes études venaient confirmer les travaux
précédents mais, comme à peine stabilisée, la thèse la plus solide est faite pour être
contestée, une remise en cause est apparue.

Remise en cause ou tempête dans un verre de Claret ?

Elle provient essentiellement de deux ou trois articles : celui d’une collègue médié¬
viste spécialiste des vignobles péri-urbains, Sandrine Lavaud et ceux de Jean-Mi¬
chel Chevet””. En intitulant sa première partie « le vin sans qualité », un mal aimé

# Marguerite Figeac-Monthus, Les Lur Saluces d’Yquem de la fin du XVIIT siècle au milieu du XIX* siècle au
milieu du XIX* siècle ; identité nobiliaire, tradition viticole, continuité familiale, Thèse, Bordeaux Mollat,
2001.

Gérard Aubin, Sandrine Lavaud et Philippe Roudié, Bordeaux vignoble millénaire, Bordeaux, l'Horizon
chimérique, 1996, p.103.

Caroline Le Mao, Les fortunes de Thémis. Vie des magistrats du Parlement de Bordeaux au Grand siècle,
Bordeaux, FHSO, 2006.

Stéphanie Lachaud-Martin, Le Sauternais moderne : Histoire de la vigne, du vin et des vignerons des années
1650 à la fin du XVIIF siècle, Bordeaux, FHSO, 2012, p.198 sq

Sandrine Lavaud, « En amont de la Grande Guerre, une historiographie du vin de Bordeaux » dans
Vouvrage dirigé par Hubert Bonin, Vins et alcools..., op.cit.,p. 29-40 et Jean-Michel CHEvET, » « Prix et
qualité des vins de Bordeaux du XVII: siècle à nos jours : quelle relation ? » dans Les vins de Bordeaux,
les itinéraires de la qualité, tome 2 ,Institut de la vigne et du vin et Cervin, p. 159-190 et dans le même
ouvrage un article rédigé avec Jean-Claude Hinnewinkel, « Des pratiques empiriques aux pratiques

scientifiques », op.cit, p. 71-112.

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