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qui limite l’espace viticole ou en dressant un tableau sur le vignoble en 1852. Au
total, il souligne le rôle des hommes dans la construction des paysages et la place
des terroirs dans l'élaboration des crus.

Revisiter la question en partant de la noblesse
propriétaire

Notre thèse sur les Dessins de la noblesse bordelaise n'avait pas pour objet premier
de faire l’histoire du vignoble mais travailler sur les domaines viticoles de cette
noblesse urbaine est vite devenu essentiel car on s’est rendu compte que c'était la
base de sa puissance”. On a pris comme base de départ la carte réalisée par René
Pijassou à partir du vingtième sur le vignoble de 1755. Elle contient certes des
imperfections mais c’ est une solide base de départ qui permet notamment de loca¬
liser près de 250 exploitations viticoles qui appartenaient à une centaine de nobles,
se recrutant essentiellement dans les cours supérieures de justice. Le Médoc était
de très loin la première région productrice de vins aristocratiques puisqu'on en
tirait près du quart de la récolte (24,6%), devant la ceinture viticole des Graves à
l'ouest et au sud de la ville (18,3%). La palu d’Ambarès (11%), l’Entre-deux-Mers
septentrional, les « côtes » de la rive droite, le Sauternais et le Bourgeais suivaient,
très nettement en retrait (entre 7 et 9%) ce qui est très douteux dans le second
cas. René Pijassou n’a pas tenu compte des variations du journal entre les diverses
régions du Bordelais, ce qui exagère, en l’occurrence, les contrastes.

On a mis en évidence après lui, l’action déterminante des parlementaires en
Médoc, dans les Graves de Bordeaux, ou dans la palu d’Ambarés. En 1755, au
sommet de la hiérarchie, brillait d’un vif éclat Nicolas-Alexandre de Ségur en Bor¬
delais, soit 86% de son capital foncier. En ce milieu de siécle, Lafite valait a lui seul
707 100 livres et Latour 522400 livres, ce qui, comparé aux évaluations des années
1670-1680, représentait un capital multiplié par huit en 75 ans. Lautre « prince de
la vigne » était le marquis Pierre d’Auléde, qui disposait sur plus de 380 hectares
de biens-fonds, des vignobles de chateau Margaux et d’une notable portion de
Haut-Brion. Pratiquant tous les deux la double résidence avec Paris, ils avaient fait
beaucoup pour la reconnaissance de la viticulture de qualité à Versailles, à tel point
qu'un tonneau de Lafite, Latour ou Margaux, atteignait facilement 1200, 1500,
voire 2000 livres, tandis qu'un petit producteur écoulait péniblement le sien entre
200 et 250 livres.

Au vu des résultats de notre thèse; il est certain que les propriétaires médocains
ont su adapter la mise en valeur de leurs terres aux spécificités de la viticulture. Ils
ont notamment compris que la gestion directe était la clé de la réussite en Médoc
comme le soulignait l’Intendant en 1775. Effectivement, pour les grands vignobles
du Médoc, les propriétaires utilisaient des « valets à gage » qui effectuaient les opé¬

*4 Michel Figeac, Destins de la noblesse bordelaise :1770-1830, Bordeaux, FHSO, 1996.

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