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bertin, Romanée-Conti, etc., en Bourgogne. Ces vins sont continués pendant le dessert, en y ajoutant des vins sucrés, tels gue les excellens Tokay-Princesses, les Rivesaltes, Lunel, etc. ; mais ces derniers sont plus particuliérement pour les dames s. Dans tous les cas, le vin doux est avant tout un vin de plaisir, dégusté sans eau (contrairement aux autres vins), ce qui contribue aussi à sa singularité. Pour finir et comprendre l'engouement pour ces vins doux, il reste à se poser la délicate question de leur goût qui, comme nous l’avons souligné en introduction, est une histoire de perception au sein d’un système culinaire. Leur place dans la hiérarchie des vins et dans le déroulé du repas tient-elle à une saveur particulière qui ferait leur qualité ? Derrière le qualificatif de doux, le plus largement employé, les saveurs associées à ces vins sont extrêmement difficiles à saisir car il est très délicat de savoir si les mots employés ont tout à fait le même sens qu'aujourd’hui, mais il est tout de même possible de déceler une appréciation pré-œænologique partagée qui rend compte de leur typicité**. Pour Savary des Bruslons, le muscat a un « goût musqué »%. Thomas Jefferson apprécie tout particulièrement le muscat de Frontignan, auquel il attribue un goût de poix et qu’il compare au Malaga“. Nous sommes donc en présence de vins caractérisés par des saveurs puissantes. Lors de son passage près de Pau, le militaire Guibert qualifie les vins de Jurançon de « capiteux », c’est-à-dire avec un bouquet puissant. D'autres soulignent qu’ils ont « un léger arôme de truffe »°. Le Dictionnaire universel portatif présente les vins d’Anglet comme « légers », « sucrés » et « délicats ». Sous la plume d’aristocrates-connaisseurs, des descriptions précises de ce que doit être le goût d’un bon vin doux apparaissent parfois. Dans une lettre adressée au baron de Gautier qui séjourne à Varsovie, le comte d’Hoym, ambassadeur de Saxe-Pologne à Paris, présente les critères à ses yeux d’un vin de Tokay de qualité qu’il désire recevoir : « J'entends par un vin de premier ordre, non ces petits vins doux & liquoreux tels qu'on suppose qu'on les aime dans les pays étrangers, encore moins des vins secs & violens qu'on appelle Husnagel, lequel selon moy n’est qu'un vin gâté, aigri & corrompu ; mais un bon vieux vin qui ayt été en son tems ce qu’ils appellent Essence, mais qui ayant perdu ce qu’il avoit de trop de douceur, s’est tourné en force, ou plutôt en huyle ou beaume, ayant conservé la couleur bien dorée, & claire surtout, avec une petite pointe d’aromate s’il se peut. Voilà, Monsieur, l’idée que j'ay du bon vin de Tokay 2". ® Maniere de servir et de soigner les vins par M. A. Joubert, Paris, 1842, p. 25-26. 6 Philippe Meyzie, « Les voyageurs et le vin (1750-1850). Étude de la construction d’un vocabulaire pré-cenologique », dans Sandrine Lavaud et Jean-Claude Hinnewinkel (dir.), Vins ef vignobles. Les itinéraires de la qualité, Paris, éditions Dunod, 2014, p. 143-155. 6° Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire Universel de Commerce contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde, Genéve, 1744. Béatrice Fink, « Thomas Jefferson : chef d'État, vigneron, œnophile », Le vin, revue Dix-huitième siècle, n°29, 1997, p. 37-50. Guide pittoresque du voyageur en France, contenant la Statistique et la description complète des 86 départements, Paris, 1838, Tome 1, p. 52. Vie de Charles-Henry Comte de Hoym, ambassadeur de Saxe-Pologne en France et célèbre amateur de livres (1694-1736), Tome II, Paris, 1880, Lettre du 16 décembre 1726, p. 322-323. 66 67 a 8 96