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bouche de lautre [...] Des petites coupes de vin ont été servies séparément
devant chaque couvert ainsi que des bouteilles pour le vin et pour l’eau et alors

il y avait des verres pour cette dernière »**.

Les verres mis à disposition devant chaque convive ouvrent la voie à de nouvelles
façons de boire dont les vins doux, comme les autres, tirent profit.

S'il est difficile d’estimer les quantités de vins doux consommés pour saisir leur
rôle au cours du repas, les sources suggèrent qu’ils sont nettement moins consom¬
mes que les autres vins. La gestion de la cave du duc d’Aiguillon révèle que chaque
jour en moyenne quelques bouteilles de vin doux (Frontignan, muscat) sont sorties
de la cave pour environ une dizaine de bouteilles de vins ordinaires”. Sur l’en¬
semble du mois d’avril 1782 sont servies 294 bouteilles de vin rouge ordinaire et
134 de blanc pour 9 bouteilles de Frontignan, 2 bouteilles de Jurançon, 6 de Vic¬
Bilh, 7 de Malaga, 7 de Langon, etc. De même, lors d’un repas servis aux consuls
de Limoges, on compte une bouteille de muscat pour dix bouteilles de vins qualifié
d'ordinaire‘. Les relevés de consommation de la table de la duchesse de Berry en
1829, qui s'inscrit dans les usages du siècle précédent, confirment que ces vins sont
présents à plusieurs reprises, mais proposés 1a encore en petites quantités et pas à
chaque repas. Lors de la journée du 13 mars dans son château de Rosny-sur-Seine,
par exemple, sont sorties de la cave pour le déjeuner et le dîner 10 bouteilles de vin
de Beaune pour seulement une bouteille de Sauternes, et une bouteille et demie
de Malaga‘. Ces vins doux sont servis généralement seulement en fin de repas,
dans des petits verres, pour accompagner entremets sucrés et desserts. D’autres
prennent place ponctuellement durant le repas. On les retrouve aussi lors des col¬
lations, dégustés en petites quantités. Même s’il date des années 1840, l'ouvrage
intitulé Manière de servir et conserver les vins correspond bien aux usages en cours
au XVIII: siècle et met en lumière la place prise par ces vins dans le déroulé du
service a la francaise”.

« Aprés le potage, l’on devra servir un verre de vin de Madère ou de Xèrès, avec
d’excellent Sauterne ou Barsac. Pendant les huîtres, les vins blancs de Sauterne
ou de Graves, avec les vins de Pouilly, ou de Chablis. [...] Après les huîtres,
un verre de Madère ou de Sauterne ferait bien. Pendant le cours du premier
service, l’on doit offrir des vins de deuxième classe, ou crû, c'est-à-dire, en fait
de Bourgogne, des vins, second crû, de Volnay, Nuits, Beaune, Pomard, etc.,
et en Bordeaux, des Léoville, Mouton, Rauzan, etc. Au rôti, le vin de Cham¬
pagne est parfait, et peut-être bu impunément. Viennent ensuite les entremets,
avec lesquels seront servis les vins de premiers crûs, c’est-à-dire les Latour,
Chateau-Margaux, Laffitte, etc., en Bordeaux ; et les Clos-Vougeot, Cham¬

8 Joseph Kitowicz, Opis obyczajow za panowania Augusta III (La description des coutumes sous le regne d’Au¬
guste III), Warszawa, 1985.

” Archives Municipales d’Agen, II 13 (1782).

6 Archives municipales de Limoges, CC 25.

61 Archives Nationales, 371 AP 9, Maison de la Duchesse de Berry, Consommation des vins et liqueurs du
13 mars 1829 à Rosny.

% Sur les principes du service à la française, voir Jean-Louis Flandrin, L'ordre des mets, Paris, Odile Jacob,

2002.

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