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La comparaison avec les derniéres années du XVIII siécle est difficile car nous
disposons de peu de statistigues pour les mémes paroisses aux deux dates. Si les
rendements observés en Sauternais apparaissent relativement élevés pour l’époque
moderne, ils se retrouvent aussi dans les grands domaines. Ainsi, 4 Yquem, un
inventaire des vins conservés fut dressé en 1785, à la mort de Laurent de Sauvage.
Établi par un courtier royal” et les achats réalisés permettent d'estimer que la pro¬
duction se situait entre 125 et 150 tonneaux, ce qui rejoint celle de Filhot, qui don¬
nait pour la même année 151 tonneaux”. Ces résultats confirment, par ailleurs, le
récit de Thomas Jefferson. Une récolte de 150 tonneaux constituait une production
élevée puisque, selon René Pijassou, les grands châteaux du Médoc comme Latour
ne parvenaient à des rendements à peine supérieurs à 100 tonneaux que les bonnes
années, pour une superficie relativement semblable. Comment comprendre ces
abondantes récoltes, dans un vignoble qui s'orientait vers la qualité, qui pratiquait
de plus en plus les vendanges tardives, et qui commençait à voir s'installer les tries
successives ? Quand on sait que le bofrytis reduisait les récoltes d'environ un tiers,
on ne peut nier qu'une partie des vins blancs produits ne devait pas être liquoreux.
C’est réellement au XIX siècle que le rendement moyen diminua, comme l’a mon¬
tré Marguerite Figeac avec l’étude du chateau Yquem, passant de 30 hectolitres a
l’hectare à la fin de l'Ancien Régime, à 10 hectolitres à l’hectare dans les années
1850. Les XVII et XVIII siècles apparaissent bien comme les siècles de la mise
en place de la viticulture de qualité. La spécialisation culturale en direction de la
viticulture commerciale induisit, au départ, une augmentation des rendements.
Ensuite, les initiatives en direction d’un meilleur vin permirent une amélioration
des techniques de production. Lorientation vers une viticulture de qualité, amor¬
cée aux siècles modernes, se poursuivit au XIX:* siècle et accentua les differences
qui pouvaient exister entre les paroisses du Sauternais, mais aussi entre les diffe¬
rentes exploitations.

Les différents vins blancs

Mais alors quels blancs produisait-on alors au cours des XVII et XVIII siècles
en Sauternais si on ne produisait pas uniquement des liquoreux ? Sans doute des
blancs divers : blancs doux issus de vendanges tardives, blancs vendus sur lie,
blancs à bas et moyen prix. Ainsi, dans un contrat de vente du 13 juin 1684,
Charles de Lamourous, Sieur du Rocq et bourgeois de Bordeaux, vendit par anti¬
cipation a Jean de Sauvage, marchand de Bordeaux, « douze tonneaux de vin blanc
plus ou moins qui se trouvera y en avoir dans la moitié de tout le vin blanc qui se
recueillera dans les vignes de Monsieur Jacques de Saint-Cricq et de son crû de la
présente paroisse de Barsac aux vendanges prochaines, lequel vin appartient dès à
présent audit Sieur Lamourous pour l'avoir acheté dudit Sieur de Saint-Cricq pour

4 Arch. fam. Lur Saluces, liasse des contrats de mariage, inventaire de mai-juin 1785.
# Marguerite Figeac-Monthus, Les Lur Saluces d’Yquem, op. cit., p. 155-156.

2% Marguerite Figeac-Monthus, « Yquem ou la naissance d’un grand cru du Bordelais », art. cit., p. 342.

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