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La viticulture de pourriture noble,
l'expression d'un milieu social

seigneurs contre tenanciers ?
Le ban des vendanges en question

En effet, il semble indéniable que la réputation du terroir de Sauternes s’est
construite sur la production d’un vin de pourriture noble, qui est attestée par de
nombreux documents d'archives. En Sauternais, la première mention connue date
du 10 octobre 1657, à Barsac où Jean Douence, marchand de Barsac, adresse une
requête à son seigneur François Ramon de La Rocque pour obtenir la permission
de vendanger car dit-il « presque les trois quarts des vignes de Barsac sont ven¬
dangées et la vendange est toute pourrie »°. Dix ans plus tard, en 1666, c’est au
tour de François de Sauvage d’Vquem d’être en conflit avec ses tenanciers et il est
clairement question de la bonne réputation du vin dans le retard de la récolte à
laquelle sont obligés les tenanciers : « Mais il est vrai que parce que ledit Sieur a
notable intérêt de faire de bon vin, pour ne pas faire de tort à la réputation dudit
vin, il ne peut pas laisser vendanger que la vendange ne soit bien mûre, joint que
ses voisins qui ont des agrières comme la Dame de Suduiraut et autres, ne font pas
encore vendanges (.….). En effet, il n’est de coutume de vendanger annuellement en
Bommes et Sauternes que vers le quinzième d'octobre »*.

Les vendanges tardives comme gage de
reconnaissance des vins blancs de Sauternes

Dans son Traité sur la nature et la culture de la vigne de 1759, ’agronome Nicolas Bi¬
det évoque les vendanges tardives comme élément identitaire et de reconnaissance
des vins blancs de Sauternes. « Dans le nombre des vins doux sont, sans doute,
ceux de Barsac, Preignac et Langon : leur douceur a ceci de particulier que, non
seulement elle est mêlée avec beaucoup de force ou esprit, mais que cette douceur
se maintient et augmente à mesure qu'on les garde. Mais ce ne sont pas des vins
de primeur, c’est-à-dire qu’ils ne se vendent pas dans la première saison, soit parce
qu'on les a vendangés tard, soit parce qu’ils se perfectionnent dans les celliers, et y

5 Sandrine Lavaud, « D’une rive à l’autre : la naissance des vins liquoreux du Bordelais (XVI<-XVII:
siècle) », communication présentée dans le cadre des Entretiens du Sauternais, colloque organisé à
Bommes par le Syndicat de Sauternes, 3 juin 2011.

* Archives départementales de la Gironde (Arch. dép. Gironde), 3 E 6096, 4 octobre 1666. Voir également
Georges Martin, « Les vendanges à la manière de Bommes et de Sauternes », Revue historique de Bor¬

deaux, 1916, p. 147-155.

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