Les chefs des guerres d’indépendance hongroises, rentabilisérent leurs réseaux
commerciaux qui contribua a l’expansion des vins de Hongrie vers l’Europe orien¬
tale”®. Plus tard, après la reconquête de la Hongrie sur les Turcs (1699, 1718), la
viticulture dans les grands latifundia retrouva sa splendeur et le commerce inter¬
national des vins hongrois profita de l'ouverture des marchés en Europe occiden¬
tale. Les cadeaux diplomatiques de Thôkôly et Râk6czi aux ambassadeurs fran¬
çais furent transférés jusqu’à la cour de Versailles où ils furent particulièrement
vénérés. Le vin de Tokaj est arrivé en France parfois par différents chemins. Un
des chemins les plus courts et les plus sûrs était la voie maritime de Danzig aux
différents ports de France. Une autre voie maritime fut également expérimentée
pendant la guerre de succession d’Espagne : le transfert par l'ambassade de France
à Constantinople. C'était l'ambassadeur, le marquis de Ferriol qui prit l'initiative
d'envoyer plusieurs tonneaux de vins de Tokaj par voie maritime de Constanti¬
nople à Versailles. Dans sa lettre du 8 novembre 1707, Ferriol recommande ainsi à
Blondel de Jouvancourt, le premier commis du ministre des affaires étrangères, le
marquis de Torcy, son envoi précieux : « J'envoye aussy un tonneau de vin de Tokay
à M. le marquis de Torcy ; cap. Martin en est chargé ; quand je le luy ay consigné,
c’étoit le meilleur vin que jaye jamais bu ; Dieu veuille qu’il arrive à Paris dans sa
bonté, je suis assuré qu’il fera plaisir et honneur à M. le marquis de Torcy”. » Un
an après, dans son courrier du 26 novembre 1708, le marquis revint sur le sujet
des vins et observant aussi les problèmes de conservation : « Je ne sçay si vous avés
envoyé à M. le marquis de Torcy le vin d'Hongrie ; tout celuy que nous avons beu
icy s’est trouvé admirable, à un tonneau près, qui a pris quelqwaigreur’°... » Fina¬
lement, la réponse de Versailles arriva au printemps de l’année prochaine, comme
l’atteste la lettre du 7 avril 1709 de Ferriol à Blondel de Jouvancourt : « J'ai veu avec
plaisir que le vin Tokay s’est trouvé bon. Mad. la duchesse de St-Pierre a bien fait
d'en goûter ; je voudrois qu’elle put en boire icy du nouveau que j'attends‘. » La
voie maritime du vin liquoreux de Tokaj par Constantinople s’avérait donc possible
ce qui favorisait certainement son succès à la cour de Versailles.
8 Voir a ce sujet : Ferenc Tóth, c , Iecheli grófnál tett látogatásaimról". Ismeretlen beszámoló Ihököly
Imre és Zrínyi Ilona törökországi tartózkodásáról s [, Sur mes visites chez le comte Techeli”. Rapport
inédit sur le séjour en Turguie d’Emeric Thököly et Héléne Zrínyi], Hadtörténelmi Közlemények, vol. 133
(2020) n" 4, p. 1008-1019. Plus tard, prince Rákóczi réussit a introduire le vin de Tokaj dans la Russie de
Pierre le Grand. Cf. László V. Molnár, x Tokaji borok a cárok asztalán. Adalékok a 18. századi hegyaljai
borok oroszországi kiviteléhez » [Les vins de Tokaj sur la table des tsars. Contributions a Vexportation
des vins de Hegyalja en Russie au XVIII siècle], Vildgtérténet, vol. 1998, n° 1, p. 37-44.
* Bibliothèque Universitaire de Gand, série BHSL.HS. 0152 Briefwisseling van Ch. de Ferriol, ambassadeur
van Frankrijk te Contantinopel, 1707-1709, fol. 48. Cette correspondance a été publiée : Correspondance
du marquis de Ferriol, ambassadeur de Louis XIV à Constantinople, éd. Varenbergh Émile, Anvers, J.-E.
Buschmann, 1870.
30 Idem. fol. 143.
31 Correspondance du marquis de Ferriol... op. cit. p. 383-384.