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guerre turgue (1683-1699) aux cőtés des armées ottomanes. Plus tard, aprés la conclusion du traité de paix de Karlowitz en 169977, il dut se retirer définitivement sur le territoire de l’Empire ottoman. Après un séjour à Constantinople, Thôküly fut transféré, conformément au traité de paix en Asie Mineure dans la ville d’Izmit, l’ancienne Nicomédie. Nous savons, grâce au témoignage des Voyages d’Aubry de La Mottraye qu'au cours des repas de Thôkôly il y avait des conversations et des disputes religieuses, car l'entourage du prince comprenait des gens de différentes religions. Aubry de La Mottraye s'intéressant à l’islam reproduisit des conversations avec un Turc de la compagnie du prince Thôkôüly, un ancien esclave en Italie, qui lui parlait ouvertement sur des sujets religieux, notamment des comparaisons entre la Bible et le Coran”. Le voyageur français décrivit même des propos énoncés lors d’une conversation d’un repas chez le prince Thôkôly où on évoquait sur la question de la défense du vin dans le Coran, sujet délicat pour les grands amateurs de vin hongrois en terre ottomane : « Au reste il expliquoit selon le sien la Loi a l’égard du vin comme j'ai déjà insinue. Il disoit, « quelle nen pouvoit justement condamner que l'abus & les mauvais effets, comme l’indiscretion, les emportemens, les querelles, qui procédoient moins de cette boisson que du mauvais temperament de ceux qui en buvoient, que cette Loi se déclaroit contraire à l’ordre de la Providence qui a créé le vin pour l'usage de l’homme, aussi bien que les autres choses necessaires à la vie, si elle en faisoit un crime à ceux en qui il produisoit des effets tout contraires, comme la gayeté innocente, la guerison du chagrin, de la melancholie, des inquietudes & des autres dispositions préjudiciables à la santé ; en un mot que si c’étoit un poison dangereux pour les uns, c’étoit un souverain remede pour les autres. » « Cependant il insinuoit adroitement, que comme dans le temps de la publication de l’Alcoran le vin causait de grands désordres parmi les Nations, chez qui il était commun, il avoit été necessaire de faire une loi sévere pour en interdire l’usage. Mais ce qu’il n'osait avancer, c’est qu'elle renferme plus de politique & d'économie que de Religion, & que Mahomet n’en fit un article de la Religion que pour lui donner plus de poids sur l'esprit de ses Sectateurs”. » A la fin de sa vie, le prince Thokély se reconvertit en secret au catholicisme dans l'espoir de se rendre en France, mais ce projet ne se réalisa jamais”*. II termina ses 4 Voir sur ce sujet : Jean Bérenger (sous la dir.), La paix de Karlowitz 26 janvier 1699. Les relations entre l’Europe centrale et l'Empire Ottoman, Paris, Honoré Champion, 2010. 2 « Le Turc disoit, que le rapport qu’il y avoit entre plusieurs passages de la Bible & de l’Alcoran, étoit la preuve que les Chrétiens avoient corrompu la Loi Divine, dans les endroits où ces deux Livres differoient l’un de l’autre. Mais je lui répondois que cela étoit bien plus facile à avancer, qu’à prouver. Cependant comme je voyois que ces disputes sur les matieres où la Foi seule étoit requise, ne pouvoient servir qu’à satisfaire la curiosité, je ne m'y engageois que le plus rarement qu’il m’étoit possible. » Aubry de La Mottraye, Voyages du Sr. A. de la Motraye en Europe, Asie et Afrique, La Haye, 1727, tome I, p. 232. 3 Idem. p. 233. 24 Une relation de la conversion d’Emeric Thokély est conservée aux Archives Historiques de la Congrégation de la Mission (Lazaristes) à Paris : série III K 60 Mémoire au sujet de la conversion du Prince Tekely. Selon les correspondances diplomatiques françaises ultérieures, cette conversion ne s’avérait pas sincère. Voir sur ce sujet : Archives nationales, série Marine B/7/73 Ordres et dépêches ministérielles — Levant et Barbarie (1705-1706), fol. 214-219 et fol. 326-327. 56