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Troupes russes, et auparavant, cétait un major général. II achéte communé¬
ment chaque année de 40 4 60 antheils d’Auspruch ; mais jamais il n’en prend
d’aucune autre sorte.

Un des principaux propriétaires, qui réside 4 Caschaw (Le baron Vesey, Pré¬
sident de la Chambre de Caschaw), me dit qu il s’engagerait ä livrer le meilleur
vin de Tokay, c’est-à-dire, l’Auspruch, en bouteilles, à Londres, pour un ducat
la bouteille contenant deux tiers de pinte, ou 4 beaucoup meilleur compte en
pièces ; qu’il y mettrait son cachet, et en répondrait.

Il est infiniment préférable de le transporter en pièces. Car lorsqu'il est en mer,
il fermente trois fois chaque saison, et se perfectionne par ces fermentations
réitérées. Lorsqu'on met en bouteilles, on laisse de l’espace vide entre le vin et
le bouchon, sans quoi il les ferait écarter. On met un peu d’huile sur la surface ;
on lie un morceau de vessie sur le bouchon, et on tient toujours les bouteilles
renversées sur le côté dans du sable.

Le transport, depuis Tokay jusqu'aux frontières de Pologne, coûte aux mar¬
chands polonais deux ducats l’antheil, et trois florins de droits de douane ; les
droits en Pologne sont de 14 florins l’antheil. La descente sur la Vistule ne peut
être très coûteuse ; et je suis persuadé que tous les frais payés, on pourrait avoir
a Londres le meilleur vin vieux de Tokay pour une demi-guinée la bouteille
de pinte : ce qui est le cent pour cent de moins qu’on ne paye souvent le plus
mauvais®. »

Cet extrait est trés intéressant pour la compréhension de la géographie du com¬
merce des vins de Tokay. On remarque que les prix sont trés fluctuants, ils dé¬
pendent du type de vin, s’il est rare ou pas, de son année de conservation, de la date
des vendanges, de la manière dont il a été stocké. On remarque ensuite qu’il s'agit
d’une culture vraiment spéculative puisque les marchands étrangers se déplacent
et contribuent à fixer les prix. On rentre complètement dans un système d'offre et
de demande. On voit surtout que le marché concerne l’Europe centrale et orien¬
tale avec de gros clients comme l’Impératrice et le tsar russe. Le vin alimente au
XVII siècle les cours européennes mais a encore du mal à pénétrer les marchés
français et anglais, ce qui n’est plus le cas au milieu du XIX* siècle. Par ailleurs, la
grande variété des prix, s'explique par l'exception et la rareté du produit, c’est le cas
de l’Essence. D'après les remarques du Docteur Gibelin, le goût du sucré est très
présent dans les années 1773 et correspond indéniablement à une mode.

Au total, la place du tokay dans les écrits des voyageurs français est fluctuante
en fonction des époques. Au début du XVII: siècle le tokay est encore peu connu
en France et donc peu décrit ; sous le règne de Louis XIV, il pénètre de ma¬
nière exceptionnelle le milieu de la cour ; puis dans le courant du XVIII: siècle,

3° Abrégé des transactions philosophiques de la Société royale de Londres, traduit de l'Anglais, année 1773 2°
partie « vin de Tokay », tome second, Paris, Buisson, p. 343-345.

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