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guil sagissait lá en guelgue sorte, dune fraude. Le prince d Esterhazy en reste
lui-méme tout étonné et au lieu de rendre son vin unique en prenant des mesures
permettant de le protéger, il repart en Hongrie avec du vin frangais. Au-dela des
imitations, cela témoigne des échanges très vivaces qui pouvaient exister au niveau
des élites européennes qui ont pu exporter ainsi des savoir-faire, d’où la force des
expérimentations menées au XIX° siècle.

La place de l'expérimentation

Au XIX? siecle, dans la tradition du XVIII® siecle se met en place dans certaines
régions viticoles françaises des expérimentations en utilisant une variété de cépages
venus parfois d’ailleurs. C’est ainsi que dans le Var, la Société d'agriculture et le
Comice agricole de l’arrondissement de Toulon, ont une collection des meilleurs
cépages européens dont le Furmint de Hongrie, cultivés de la même manière que
dans leur pays d’origine. Néanmoins, le résultat, aux dires de Jules Guyot, méde¬
cin et agronome spécialisé dans la viticulture, fut décevant dans la mesure où le
produit ne fut pas le même : « les vins de furmint rappelaient sans hésitation le
goût spécial au tokay, sans en avoir toutefois la perfection ni les qualites®' ». On
voit également la production de tokay français dans la région de Saint-Gilles dans
le Gard et là encore, le Docteur Jules Guyot, témoigne :
« C’est sous le climat et sur le sol de Saint-Gilles que le docteur Beaumes a
planté le furmint, dont il fait ce bon vin de tokay-princesse si justement et si
bien apprécié dans l’Ampélographie française. J'ai goûté le vin de tokay-prin¬
cesse du docteur Beaumes ; je suis assez heureux pour avoir du véritable tokay
impérial de Hongrie, et je déclare qu’à part une nuance de finesse et de suavité
qui tient à la différence d’âge sans doute, le tokay-princesse vaut les excellents
tokays de Hongrie ; mais surtout j’affirme qu’il leur ressemble pour l’aröme et
la saveur, aussi complètement qu'un bon vin muscat ressemble à un bon vin
muscat. J'ai également goûté du tokay du Gard chez M. Molines, par prix
d'honneur du département depuis ma visite ; j'en avais goûté du vignoble d’es¬
sai de Toulon, et partout le tokay ressemble au tokay, malgré les différences de
climat, de sol et de culture”. »

Ce texte est intéressant car il atteste toutes les tentatives d’expérimentation qui ont
été réalisées dans le sud-est de la France sous le Second Empire, époque très im¬
portante en France en matière de réflexion sur la viticulture et la production d’al¬
cools forts. Cela montre deux choses, une volonté de faire aussi bien que la Hon¬
grie que l’on considère alors, au niveau de la qualité, comme un rival en matière de
viticulture ; le dynamisme de toutes les sociétés d'agriculture et des propriétaires

31 Jules Guyot, augmentée par Pierre Coignet, Étude des vignobles de France, pour servir à l'enseignement mu¬
tuel de la viticulture et de la vinification françaises, tome I, Régions du Sud-Est et du Sud-Ouest, deuxième
édition, Paris, Imprimerie Nationale, 1876 p. 90

52 Ibid. p. 216

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