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Avec une variété de cépages

Parallèlement, on sait qu’il existait au XVI siècle dans le Tokay entre 10 et 12
espèces de cépages avérés. Il s'agissait sans doute d'espèces de raisins qui pouvaient
se passeriller. Il fallait attendre une surmaturation de la vendange sur pied, les
grains de raisin prenant un aspect flétri, ce qui permettait d'accroître la teneur en
sucre du jus. Vers, 1610, un pasteur, Mâté Szepsi Laczk6, y mène des expériences
avec l’utilisation d’un nouveau cépage, le Furmint. Ce dernier donnait des baies
passerillées en plus grande quantité que les autres et il était essentiel pour la com¬
position du tokay comme d’ailleurs le Härslevelü et le Muscat de Lunel”. Mais,
que vient faire le Muscat de Lunel originaire de France en Hongrie ? Les cépages
ne sont pas uniquement utilisés dans leur région de prédilection, le cas du Furmint
étudié par Franca Battigelli peut aider à comprendre des mécanismes. La légende
trouvée dans plusieurs livres du XIX' siècle qui probablement se recopient, veut que
ce cépage originaire du Frioul, ait été importé en Hongrie au XIII siècle lorsque
le roi Bela IV fit appel à de nombreux colons italiens, wallons et lorrains pour y
développer la viticulture’. Selon Conrad Malte-Brun ce serait très probablement
les marchands vénitiens qui auraient contribué 4 l’introduction de ce cépage’ .
Le Muscat de Lunel a sans doute eu un peu le méme parcours. En effet Lunel
est une ville qui se situe en France, plus précisément aujourd’hui dans l'Hérault
en Occitanie. Alain Rey dans son dictionnaire historique de la langue française
fait remonter l'existence du nom à 1372, il arriva en Hongrie bien après le Fur¬
mint’. Bien que cela reste à étudier et surtout à prouver, il est fort probable qu’il
y ait eu entre l’espace méditerranéen, la Hongrie, les États du Saint-Empire, à des
époques différentes, des échanges de cépages. Au-delà, les sources montrent qu’il
y a eu aux XVIII - XIX* siècles des transferts de savoir-faire passant par une série
d’écrits scientifiques!!. Pour Imre Wellmann, dans la Hongrie du XVIII siècle
toute une littérature est diffusée, ouvrages de jésuites comme /’Îfer oeconomicum de
K. Fischer ou expériences agricoles de magnats comme celles qui furent publiées
par G. Palocsay Horvath”. Il y eut aussi dans la seconde moitié du XVIIT: siècle,
la diffusion de nombreux livres étrangers portant sur le thème de la rénovation
agricole. Ainsi, les Hongrois avaient traduit les ouvrages français se rapportant
à la viticulture et l’œnologie naissante : Chaptal, Rozier, Parmentier et Dussieux
furent publiés à plusieurs reprises au début du XIX siécle’’.

7 Ivan Balassa, Tokay-Hegyalja. Széleje é bora, Tokay, Tokal-Hegyalja ÄG Borkombinät, 1991, p. 698¬

699.

Franca Battigelli, « le tocai frioulan », i# Des Vignobles et des vins à travers le monde, hommage à Alain

Huetz de Lemps, 1992, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, p. 525-534

° Malte-Brun, op. cit., 1853, p. 362-363. |

10 Alain Rey (sous la dir. de), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Éditions Robert, 1995, p.
1293.

1 Voir dans la seconde partie de cet article.

2 Imre Wellmann, « Esquisse d’une histoire rurale de la Hongrie depuis la premiére moitié du XVII*¬
XVIII siécles », La Pensée, n° 173, 1974, p. 55-70.

3 Imre Wellmann , « Esquisse d’une histoire rurale de la Hongrie depuis la premiére moitié du XVIII°

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