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Le vin de Tokay vu per les
Français où l'affirmation d'une
reputation dans un pays de
vignoble

STEHEN,

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MARGUERITE FIGEAC-MONTHUS

Professeure d'histoire l’Université de Bordeaux
Centre d'Etudes des Mondes Moderne et Contemporain - Université de Bordeaux¬
P
Montaigne

Le 2 avril 1765, Voltaire écrit de Ferney à un de ses amis, le maître de ballet, Jean¬
Georges Noverre :

«J'ai regu le comte de Fé***(Fekete), Monsieur, avec tous les égards dus a sa
naissance et à son mérite ; vous l’aviez sûrement instruit de toutes mes infirmi¬
tés, et du délabrement affreux de mon estomac ; il m’a fait présent d’un spéci¬
fique délicieux, cinquante demi-bouteilles de vin de Tokay, tel que j'en buvais
jadis chez le grand philosophe du Nord (Frederic ID).! »

Cet extrait de lettre du trés célébre philosophe frangais atteste de la place du tokay
en Europe Centrale et plus particulièrement en Prusse où Voltaire en a certaine¬
ment bu pour la première fois. Il révèle également de l’importance qu’il pouvait
avoir au sein de l'aristocratie et des élites intellectuelles du XVIII: siècle. Le comte
Janos Fekete, évoqué par Voltaire, est un grand aristocrate hongrois qui se piquait
de poésie. On retrouve ici, le mécanisme bien connu de diffusion des vins qui passe
par un réseau ciblé de connaissances et la cour. Par ailleurs, Voltaire, sans nous en
dire plus, semblait apprécier ce vin qui apparaissait comme la solution a ses maux
destomac. Cette lettre intime, souléve plusieurs questions : le tokay est-il bien

1 Œuvres de Voltaire présentés par Beuchot, tome 62, correspondance, Paris, chez Lefèvre Libraire, 1832,

p. 278.

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