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PRÉFACE Le catholicisme social est souvent méconnu dans le sens qu’il est réduit en un problématique de l’histoire de l’Église. C’est faux : la doctrine sociale de l’Église catholique et les mouvements politiques dépassent les limites ecclésiastiques et font partie intégrale de l’histoire, donc la culture et de l'identité européenne. Mais il s’agit d’un autre aspect également : l’enseignement social de l’Église est loin d’être une construction cléricale. Il s’est formé durant des réunions, des débats, des recherches et des réflexions avec la participation active des laïcs. Non, l'Église de l’avant-Vatican II ne s'était pas enfermée dans les milieux des clercs, bien au contraire, elle était prêt à donner la parole aux spécialistes séculaires — en conservant la hiérarchie entre prêtres et fidèles, bien évidemment. Le premier but de ce recueil de documents est de montrer les efforts des laïcs et des ecclésiastiques réunis autour d’un personnage charismatique, Mgr Gaspard Mermillod, l’infatigable organisateur de réunions des catholiques. La grandeur de l’ancien évêque de Lausanne et de Genève résidant à Fribourg consiste en cette inlassable volonté de rassembler les catholiques autour de l'Église dès le lendemain de l'effondrement de l'Etat de l’Église. Qu'il s'agisse de la Correspondance de Genève, ou de l’Union de Fribourg, il est toujours l'initiateur de cette collaboration. Il s’est rendu compte que l’Église a besoin de ses fidèles si elle veut sortir de la situation politique défavorable de son époque. Il initiait l’idée que l’Église a une obligation envers les pauvres et les victimes de la société industrialisée et par conséquent elle doit se figurer à la tête du mouvement social. Cette approche est loin de l’idée du modernisme qui veut mettre l’homme à la place de Dieu — c’est bel et bien la profession du pape Jean Paul II dans son encyclique Centesimus annus : « ...cet homme est la premiere route que l’Eglise doit parcourir en accomplissant sa mission [...], route tracée par le Christ lui-méme, route qui, de facon immuable, passe par le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption ». A Fribourg, l'évêché et la communauté des intellectuels rassemblés chaque automne dans cette ville d’allure moyenâgeuse sont souvent évoqués comme initiateurs de cette doctrine. Est-ce que cette tradition est bien fondée, ou ce n’est qu’une narrative compensatrice, construite par des traditions cléricales ? Quel est donc l’apport de Fribourg ? Si l’on veut comprendre le rôle que l’Union de Fribourg et la communauté intellectuelle locale avait joué dans la formation de la première encyclique, il suffit de lire les documents présentés ci-dessous. +15 e