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LA NOURRITURE COMME ÉLÉMENT DU PAYSAGE CULTUREL le transport en commun, les hőtels). Multinationale, capable d’assembler plusieurs cultures, les vestiges de l'Histoire, le présent et le futur, cette ville réunit les traits caractéristiques d’une métropole, qui est, selon le Trésor de la langue française, la «ville principale d’un pays, d’une province ou d’une région ; ville dont le rayonnement et l'influence lui font jouer le rôle de capitale». En plus, en tant que métropole moderne, elle rassemble les monuments du passé, mais aussi les immeubles modernes ; elle est notamment en constante mutation. En effet, son caractère de métropole moderne peut se résumer par les paroles du personnage principal de la nouvelle éponyme, «Les Aurores montréales »: «Montréal est une ville qui n’arréte pas de changer [...], est une ville qui additionne tellement les nouveaux visages que l’on perd toujours celui que l’on croyait enfin lui connaître » (Proulx 163-164). C’est pourquoi les nombreuses facettes de la métropole sont représentées de manière fragmentaire dans la littérature contemporaine, par exemple dans le roman La Québécoite de Régine Robin (Popovié, “Prostor i konstrukcija identiteta”). Comme l’on pouvait le prévoir, la nourriture y est, elle aussi, cosmopolite. Évidemment, l’idée de la nourriture comme composante essentielle de l’identité collective n’y subsiste pas. Les usagers de la ville — comme les sociologues et les urbanistes contemporains désignent des habitants des villes (Barthes) — sont aussi les usagers de diverses cuisines nationales. Par exemple, en se séparant, un couple doit partager les plantes aromatiques qu'ils ont cultivées: la sauge, le fenouil, le basilic, l’estragon (Proulx 103-105); ces herbes aromatiques ne dénotent ici ni une cuisine nationale en particulier, ni l’identité culturelle de cette nation. En effet, les personnages de ces nouvelles degustent les spécialités de diverses cuisines nationales: on y savoure l’espresso italien, la retsina grecque (23), le sushi japonais (45, 47, 92 et passim), les baklavas syriens à l’eau de rose et à la crème de pistache (161). Cette abondance d’aliments et de plats divers, parmi d’autres objets offerts à la consommation dans cette métropole moderne, est mise en relief dans la nouvelle «Jaune et blanc», sous la forme d’une lettre adressée de la part d’une immigrante chinoise à sa grand-mère: «Le foisonnement, grand-mère, fait maintenant partie de mon environnement quotidien. Il existe ici tant de vêtements aux lignes et aux couleurs disparates [...]. Il existe tant de spectacles et de restaurants, tant de saveurs de glace [...], tant de voitures et d'objets à vendre et à regarder » (56). Pour la majorité de personnages et dans la plupart des contextes dans ce recueil de nouvelles, la nourriture fait tout simplement partie du quotidien. Nous découvrons les habitudes alimentaires des personnages: que les personnages y goûtent de la tarte au sucre (16), des huîtres de saison (20), boivent du café, du thé vert (30, 34), mangent des frites (79) et boivent du gin blanc (79). Dans le paysage culturel de cette grande ville, la nourriture dénote la différence de classe. Par exemple, un lecteur découvre, dans la nouvelle «La classe + 123 +