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CANADIAN LANDSCAPES/ PAYSAGES CANADIENS Le roman intitulé Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy (1945) marque un moment décisif dans l’histoire de la littérature québécoise, c'est le premier roman urbain où l’auteure dépeint un portrait à mille visages à la fois réaliste et poétique du quartier Saint-Henri de Montréal. Un portrait, parce que ce quartier avait et a toujours un visage humain. Notre étude vise à examiner ce paysage urbain à travers sa présence dans un texte littéraire, ayant une longue histoire économique, sociale, politique et culturelle. Une présence métonymique, puisque la description romanesque de ce lieu et de ses habitants attribue une forte valeur sémiotique à ce quartier, et soutient la stratégie narrative de l'auteure selon laquelle c'est ce lieu qui procure, comme un masque, une identité sociale et psychologique aux personnages. Nous souhaitons examiner aussi le procédé qui, sous l'influence de la diffusion du roman de Gabrielle Roy, esthétise d’abord le quartier, ensuite engendre les transformations réelles de cet espace urbain pour l’introduire finalement dans une catégorie du patrimoine culturelle où se met en œuvre la mémoire collective. Ce paysage urbain, encore vivant, toujours très populaire, attire les touristes et, contrairement à beaucoup de quartier touristique, arrive à garder son caractère vivant et évite la muséification. Après la période où la littérature orale québécoise est mise sur papier à la fin du 18° siècle, la littérature du terroir fait son apparition au Canada et, dans la deuxième moitié du 19° siècle, elle tente d'offrir une réponse à la tentative d’assimilation du gouvernement britannique. Cette tentative n’a pas de succès, elle aboutira pourtant à la formation d’un gouvernement de coalition en 1842. L’idéologie de conservation prend forme. Les axes principaux de cette idéologie du terroir reposent sur trois éléments: la terre, la famille et la religion. Le roman emblématique de ce type de récit est le livre de Louis Hémon intitulé Maria Chapdelaine: récit du Canada français écrit en 1911. Gabrielle Roy (1909-1983) juste après la deuxième guerre mondiale et suite à la grande noirceur, déconstruit dans son roman exactement ces trois piliers: l’agriculture laisse la place à la ville, à un quartier ouvrier ; la famille, vivant avec neuf enfants dans la misère et la désespérance, est détruite, puisque c’est la guerre qui lui assure les moyens de subsistance, le fils et le père sont enrôlés ; et la religion n’assure aucun soulagement, ni moral, ni spirituel. Gabrielle Roy est née à Manitoba et est éduquée à l'académie Saint-Joseph (Ricard, Gabrielle Roy). Après une formation d’enseignante à l’École normale supérieure de Winnipeg, elle enseigne dans les écoles rurales de Marchand et de Cardinal et à l’École Provencher à Saint-Boniface. En 1937, elle peut partir pour l’Europe et étudier l’art dramatique à Londres d’abord et ensuite à Paris. En 1939, elle doit revenir au Canada à l’aube de la guerre mondiale; elle s'établit à Montréal et gagne sa vie comme journaliste, tout en continuant son travail d’auteure. C’est en tant que reporter quelle +80 +