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ANALYSE GEOPOETIQUE DE LA HERONNIERE ET L’HABITUDE DES BETES narrés par des «étrangers » venus au village: une ethnologue (regard exogéne ou urbain) dans «Elisabeth a menti» et « La beauté de Jeanne Moreau», et un homme du village devenu étranger qui revient pour sa retraite dans son village natal (regard hybride ou néorural) dans «Le dernier couronnement»: Les deux premiers points de vue font ressortir plusieurs oppositions: rural/ urbain, homme/ femme, manuel/ intellectuel. Le retraité, troisième point de vue, — parce qu’il embrasse à la fois le village et la ville, parce que son destin l'amène à comprendre sa femme après sa mort, parce que, manuel, il s'engage dans un travail intellectuel — offre une synthèse qui permet de réconcilier les oppositions. (Paré 458). Par ces multiples regards se dévoile le vrai protagoniste du recueil qui est non pas une personne, mais un lieu: le village lui-même avec tous ses habitants. Peu à peu, en lisant les nouvelles, se dévoile l'univers d’un village sans nom avec ses lois qui régissent les interactions de ses habitants. Parmi ces lois, nous soulignons le secret, le mensonge, la honte et la peur des étrangers. Dans le dossier de la revue Voix et Images consacré à Lise Tremblay au printemps-été de 2020, on trouve des analyses profondes de plusieurs de ses œuvres. Nous notons quelques éléments importants portant sur le village de Tremblay d’après les articles «La perturbation» de Francis Langevin et «Le conflit des codes et des classes dans La héronnière et La sœur de Judith de Lise Tremblay» de Martine-Emmanuelle Lapointe en y ajoutant nos propres observations. Dès la première nouvelle, nous découvrons cette étrange dynamique entre les villageois et les étrangers. Ces étrangers peuvent être des simples écotouristes intéressés par la nature, des ornithologues arrivés pour le Symposium, des chasseurs ou des personnes de la ville qui viennent pour passer l'été dans leur chalet. Peu importe de quel étranger il s’agit, ils sont tous perçus comme l’ «Autre» par les villageois, même si les chasseurs semblent le mieux intégrés dans l’ordre du village, les mieux acceptés et tolérés par les villageois. Les étrangers sont la clé pour la survie du village, alors on aime bien l'argent que cela apporte à son économie, mais il reste une certaine méfiance envers eux. Ce sont des éléments perturbateurs qui sont là pour déstabiliser l’ordre du village. Ce village se trouve à la frontière de nature et société — au Bas-du-Fleuve dans La héronnière et au Saguenay dans L’habitude des bêtes. C’est un espace liminal qui, par pur désir de survie, est en constant conflit avec les changements qu’apportent les éléments extérieurs, les étrangers, mais aussi les animaux (les bêtes) et les femmes. Niant sa nature changeante — entre un passé idyllique et un avenir incertain — le village affirme son identité en créant des forces centripètes qui tendent vers le centre, le pareil, l'uniforme — comme l'appareil d’État chez Deleuze-Guattari, ou méme le centre dans la sémiosphére de Youri Lotman — et qui engendrent +71»