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ANALYSE GEOPOETIQUE DE LA HERONNIERE ET L’HABITUDE DES BETES dans l’espace heterogene, une sorte d’hétérotopie que Michel Foucault définit comme un espace ayant «le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles » (Foucault 758). La temporalité du 19° siècle donne sa place à la spatialité des 20° et 21° siècles (Collot). La géophilosophie de Gilles Deleuze et Félix Guattari s'intègre dans la lignée du tournant spatial quand elle affirme que la pensée «n’est ni un fil tendu entre un sujet et un objet, ni une révolution de l’un autour de l’autre. Penser se fait plutôt dans le rapport du territoire et de la terre» (82). La nomadologie de Deleuze-Guattari!, développé dans Mille plateaux en 1980, introduit une nouvelle structure de la pensée qui, face à celle arborescente de l'appareil d’État, est celle du rhizome. L'appareil d’État est le centre, l’intériorité, linstitutionnalisé, tandis que le nomadisme (ou la machine de guerre) représente l’extériorité, la menace, l’autre. Les auteurs introduisent également l'opposition de l’espace optique (ou strié), lié à la vision et de l’espace haptique (ou lisse), lié au tactile, sans profondeur visuel: «[DJans l’espace strié comme dans l’espace lisse, il y a des points, des lignes et des surfaces [...]. Or dans l'espace strié, les lignes, les trajets, ont tendance à être subordonnées aux points: on va d’un point à un autre. Dans le lisse, c’est l'inverse: les points sont subordonnés au trajet» (597). Les deux espaces ne sont ni homogènes, ni finis, mais représente l’hétérogénéité et l’infini de manière bien différente. Pour visualiser cette différence, pensons aux exemples que présentent les arts textiles: la structure du strié est celle du tissu, du tricot, de la broderie, espace délimité d’au moins deux bords, tandis que celle du lisse est celle du feutre, du crochet ou du patchwork, espace qui à la limite peut exister sans début ni fin dans la toile infinie d’entrecroisements des points et des lignes. Dans la lignée de la perception spatialisante du monde, nous introduisons deux tropes de la pensée: ceux de la carte et du paysage que nous adopterons pour encadrer notre analyse de l'écriture de Lise Tremblay. Tandis que le paysage représente la perception du proche (du haptique), la carte nécessite une certaine distance de son objet d'étude. Ces deux tropes représentent bien les deux types de lecture d’un texte: celui du lecteur qui idéalement ne prend aucune distance et se plonge dans les paysages du texte; et celui de l’académique ou le critique littéraire qui, en adoptant l'attitude d’un cartographe, trace les contours du récit, regroupe les thématiques et donne un aperçu —d’en haut — du texte, soit rend le lisse des paysages strié. Le sujet se perd dans le paysage, la limite entre perçu et percevant se dissous dans l'horizon. En tant que compréhension du monde, le paysage contient a la fois observant qui fait partie de ce monde même et l’observé. Les deux perceptions ne sont pas en stricte opposition, mais passe l’un à l’autre, et représente plutôt la démarche du lecteur qui ne fait qu’alterner entre les deux lors de sa lecture. ! Voir aussi White, Kenneth. L’esprit nomade. Grasset, 1987. +69 +