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LES PAYSAGES IMAGINAIRES DE SYLVIE DRAPEAU l'arche des pieds » (28), etc. La synesthésie permettant de capter les signes émis par les paysages, rappelle la démarche de Charles Baudelaire (1821-1867) qui voit dans le poète l'intermédiaire entre l’homme et la nature. Rappelons son célèbre poème «Correspondances » (39-40): La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L'homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. II est des parfums frais comme des chairs d’enfant Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, Et d’autres, corrompus, riches et triomphants, Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. L’incontournable poète français propose une approche singulière permettant d'interpréter le monde. Le décodage des signes se fait d’abord sur le plan horizontal par la perception sensorielle de la réalité — «les parfums, les couleurs et les sons se répondent » — ensuite sur le plan vertical qui suppose une élévation vers la spiritualité. En harmonie avec l’imaginaire québécois dans lequel la nature joue un rôle très important, Sylvie Drapeau rejoint les correspondances baudelairiennes, inscrites dans les titres. Le Fleuve et La Terre renvoient à Vhorizontalité et 4 la matérialité de l’univers représenté, tandis que Le Ciel et L'Enfer évoquent la verticalité et la spiritualité. On pourrait affirmer que les composantes du paysage chez Sylvie Drapeau «laissent parfois sortir de confuses paroles » (Baudelaire 39), tout comme la «nature » baudelairienne. La narratrice saisit les signes d’abord par les sens réunis: «J’aimais [...] l’air pur et la clarté du ciel, les parfums de la terre, la splendeur des couleurs à l'automne, le silence de l’hiver » (Drapeau, La Terre 19). Puis, en entrant en relation avec la spiritualité, elle leur attribue des significations «par esprit» (Drapeau, La Terre 19). Il appartient au lecteur de les déchiffrer et d'accéder, en passant par le monde des perceptions, au monde des idées. 1 Même si le ciel peut se référer également au matériel, car pour l'observateur qui scrute l’horizon, le ciel semble se confondre avec la terre. + 39 +