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PAYSAGES (POST-)APOCALYPTIQUES DANS LA TRILOGIE DE CHRISTIAN GUAY-POLIQUIN ont à surmonter. L’attente du dégel ne représente une simple hibernation, mais aussi une lutte psychologique entre deux hommes à travers le silence, la méfiance et la dissimulation qui résout même au conflit physique. Ils ne sont seulement les prisonniers de l'hiver, mais aussi, comme le dit le narrateur, «[...] prisonniers l’un de l’autre» (Guay-Poliquin, Du poids de la neige 64). Quant au village, nous y sommes face un univers post-garnison québécois: une ancienne commune minière qui se dépeuple et où l'église ne sert plus que pour sonner l'alerte (Guay-Poliquin, Du poids de la neige 61). Néanmoins, motivée par le désir de survie et protectionnisme, ce milieu se réadapte au mode de vie de garnison très vite et forme une sorte d'organisation auto-suffisante, car la survivance est dans cet espace profondément enracinée dans le paysage et la mentalité des individus. Tout d’abord, nous y retrouvons une idéalisation de cette vie communautaire, liée aux souvenirs d'enfance du narrateur. C’est le mythe pastoral, une vision de l’idéal social. Le mythe mis en scène ici est celui de la stabilité de la garnison, qui concerne l’autosuffisance du village par rapport à la civilisation. En dépit des apparences, les villageois ne parviennent plus à soutenir une garnison viable et leur communauté commence à s'effondrer: les maisons sont pétrifiées par la glace, la nourriture devient de plus en plus rare, les habitants sont malades et maigres, et certains quittent le village. Rentré au village natal, mais demeurant un déraciné, le narrateur découvre qu'il ne peut pas reprendre l'existence de ses aïeux, les colons, il redevient alors explorateur, presqu'un coureur des bois. Après la solitude de la route et les grands espaces, la solitude de la cabane et les étendues sans bornes de son âme, pour achever son parcours identitaire, il va explorer la solitude de la nature inhabitée, vierge et immense représentée par la forêt, envisagée dorénavant comme une ressource et une menace à la fois, bref un lieu opposé à l’espace humain et provoquant la peur de l'inconnu qui s’y cache. Quant à l’immensité, comme celle des forêts, selon Gaston Bachelard, elle: «[...] est en nous. Elle est attachée à une sorte d’expansion d’étre que la vie refréne, [...] » (Guay-Poliquin, Du poids de la neige 169). La forét apparait ainsi comme un lieu que la psychanalyse associe a l’inconscient et qui suscite notre imaginaire. Le narrateur s’y fixe une nouvelle raison d’étre pour rompre avec son existence solitaire. Franchissant la barrière de |’inconnu et s’exposant au danger, il entre dans le bois, l’espace de l’inconnu. LES OMBRES FILANTES Les ombres filantes se servent de la spatialité des foréts qui sont devenues centres d’habitat après le blackout qui a rendu la vie dans la civilisation insupportable. Dans la forêt, il cherche à rejoindre le camp de chasse de sa famille. Rapidement, il est rejoint par un jeune garçon, Olio, qui l'accompagne dans «27 +»