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LES PAYSAGES DE J. D. KURTNESS: POLEMIQUE AVEC LES APOCALYPSES D’ HOLLYWOOD POUR UNE NOUVELLE ACCEPTION DE LAPOCALYPSE Dès le premier roman de l'auteure, De vengeance, le paysage, tant urbain que forestier, joue un rôle très important, puisqu'il motive en partie le comportement meurtrier de la protagoniste. Puisque « notre temps est compté » (Kurtness 16), une jeune fille en colère contre une humanité de plus en plus égoïste et polluante se met à punir, puis à tuer ses semblables et à en tirer un plaisir de plus en plus intense. Perchée en haut d’un sapin baumier qui «par miracle a échappé aux massacres des Noëls du dernier siècle » (Kurtness, De vengeance 10), elle épie les futures victimes de sa petite guerre écologique. La nuit, elle suit les chats du voisinage dont elle envie «[la] discrétion et la supériorité [des] sens » (Kurtness, De vengeance 63). Parfois, elle s'amuse à échanger des chiens entre propriétaires de différents quartiers ou bien à promener les bêtes la nuit, en secret. Quant aux êtres humains, elle les observe avec «la félicité du naturaliste devant un groupe de babouins » (Kurtness, De vengeance 100), puis elle se met à les étudier avec assiduité pour mieux pouvoir leur nuire. Aux antipodes de l’anthropomorphisme traditionnel, l'héroïne se fait de plus en plus proche des animaux, voire de certains organismes microscopiques: Ma stratégie est celle du microbe. Invisible à l’œil nu, je détale avant l’apparition des symptômes. [...] À force de se tenir dehors, on devient une sorte de bête. Le territoire nous appartient, parce que nous y sommes constamment. [...] Je connais la route, le rythme de la marche, la texture du sol, le temps exact qu’un trajet me prend, l'énergie demandée à chaque étape (Kurtness, De vengeance 106). Et c’est à nouveau la cause animale, liée à la protection du sol, que l’héroïne indique comme à la fois la motivation principale et l'échelle opératoire de ses plans meurtriers: Trop de gens à buter et, surtout, où tracer la ligne de ce qui est acceptable? Tuer tous les clients du McDo? Du PFK? Les producteurs agricoles? Les employés des abattoirs? Les dirigeants des multinationales agroalimentaires? Leurs actionnaires majoritaires? Les groupes de gens qui ont de l'argent de placé dans des fonds qui investissent dans ces multinationales? Les élus de gouvernements qui ne légifèrent pas? Ceux qui votent pour? (Kurtness, De vengeance 130). En fin de compte, l'héroïne ouvre une chasse à l’homme en général. Sur une route forestière, elle abat au fusil quinze personnes inconnues, choisies au hasard, avant de se mettre à nu, s'enfoncer dans un lac et, nageant sur le dos, se fondre au paysage nocturne, apaisée et heureuse comme un fauve repu: + 17 »