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EXILÉ DU TEMPS, PRISONNIER DE L'ESPACE Regardons ces trois exemples d’incipit où cette installation est très nette: 1. «Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la Ville et à la Campagne, de la vaisselle d’or et d'argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés [...]*. » 2. «C'était à la fin du dîner d'ouverture de la chasse chez le marquis de Bertrans. Onze chasseurs, huit jeunes femmes et les médecins du pays étaient assis autour de la grande table illuminée, couverte de fruits et de fleurs. » 3. « Au 18° siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus abominables de cette époque qui pourtant ne manqua pas de génies abominablesf. » Les exemples montrent que ces informations sont en général fournies au début des récits, mais pas forcément dans la première phrase comme c’est le cas des incipits cités, suffisamment tôt pourtant pour permettre au lecteur d'accéder à l’univers de l’histoire racontée. Par la suite, l’auteur utilise différents marqueurs de temps, de lieu, de personnes non seulement pour faire évoluer son histoire mais aussi pour la structurer. Il peut par exemple créer un récit linéaire où les événements se suivent, un récit inversé où l’on remonte le temps ou encore un récit polyphonique en utilisant des marqueurs d'espace appartenant à deux ou plusieurs espaces distincts, des marqueurs de temps évoquant deux époques, etc., ce qui lui permet de basculer à tout moment d’une chaîne d'événements à l’autre. Ces univers restent valables tout au long du récit, mais il est possible de les interrompre, de les compléter (en évoquant des souvenirs ou des antécédents, par exemple). Pour que le récit et son univers soient cohérents, il est nécessaire que les indices qui réfèrent à cet univers principal du récit s’enchaînent de manière cohérente: les différents moments évoqués doivent se ranger dans une continuité, l’évolution spatiale doit se réaliser dans un continuum et une certaine continuité thématique doit être également présente’. Les auteurs, au fil des siècles ont développé une multitude de techniques pour créer des univers originaux, pour impliquer les lecteurs dans des univers en Sous la direction de C. Vetters, Le temps, de la phrase au texte. Lille, Presses Universitaires, 1993., H. Weinrich, Le temps. Traduit par M. Lacoste. Paris, Seuil, 1973. + Charles Perrault, Barbe bleue. http ://clpav.fr/lecture-barbe.htm (consulté le 8.05.2014, 17h30). 5 Maupassant, La rempailleuse. Budapest, Noran, 1986, p. 200. ° Patrick Süskind, Parfum. Traduit par Bernard Lortholary. Livre de poche, 30/6427/6, Paris, 1977, p. 5. 7 V. entre autres J-M. Adam, op. cit., H. Weinrich, Grammaire textuelle du frangais. Trad. par G. Dalgalian et D. Malbert, Paris, Didier/Hatier. 1989 ¢ 211 ¢