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LES INTER-TEXTES AUX FRONTIERES DELA PEINTURE;LA POETIQUE VISUELLE DE SIMON HANTAI et celles qui sont les produits d’une activité mécanique (par exemple les photocopies). Inséré dans ce cadre conceptuel, le tableau intitulé Ecriture Rose se présente comme un objet unique, doué d’une identité spécifique (v. mode autographique), objet sur lequel se présentent les copies non identifiables de textes doués d’un mode d’existence multiple (v. mode allographique). Par le biais de ce tableau, la typologie de Genette construite sur des oppositions, des binarités, est en quelque sorte remise en question — typologie d’emblée convenablement nuancée, à mon avis, par les notions dialectiques d’empreinte et d’image de Didi Huberman, évoquées plus haut. Dans la peinture de Hantaï — en transcendant la définition ontologique des calligrammes également mentionnés par Genette (où l’idéalité des textes et la matérialité de la forme graphique se rejoignent) — ce n’est pas l’idéalité du texte intelligible qui s’accorde avec la matérialité de l'apparence graphique, mais «une certaine abstraction de l’idéalité du texte.» Mais ce type d’abstraction — la suppression du sens du texte — ne donne pas l'impression du non-sens. Le sens est aussi assuré par la rencontre elle-même avec les textes, le «toucher » des textes, ou bien, d’après les propos de Jolän Orbän par « l'événement du toucher », par « l'acte du toucher » dont le souvenir est la peinture même. La matérialité de la copie d'extraits de textes choisis, résultat d’une activité consciente et concentrée, apparaît donc dans la peinture de Hantaï comme l'empreinte de l’acte de copier, la trace du déroulement de l’activité, le souvenir d’une activité dont les acteurs sont le « lecteur-copieur », « l’extrait de texte», « les auteurs » de l’extrait de texte comme Kierkegaard, Holderlin, Goethe, Heidegger, Freud, etc., ainsi que les récepteurs du tableau, les interprétateurs qui assument cette tache. Evidemment, dans le cas de la Bible, la possibilité de la rencontre est plus complexe et plus énigmatique, car Jésus et Dieu — auteurs des textes mais aussi des enseignements et des révélations — ne sont pas les seuls a être invités dans l’espace de la peinture; on doit prendre également en compte ceux qui ont servi de scribes (v. les Apôtres) même si en ce qui concerne ces derniers, les notions des théories de la littérature moderne ne permettent pas de leur attribuer un statut d'auteur. Différents domaines de la connaissance se croisent et se mélangent dans l’œuvre, comme la philosophie, l'esthétique, la poésie, la théologie et la psychologie, réunies par les textes « évoqués » dans l’espace unique de ce tableau, qui a été réalisé suite à des exercices spirituels pendant la période allant de l’Avent à l'Avent. 13 Jolan Orban, « L'acte du toucher, Derrida, Mallarmé, Hantaï». In Thomka-symposion (Volume spécial en l'honneur de Beta Thomka), Bratislava, Kalligram, 2009. ¢ 197 «