OCR
ILDIKÓ LŐRINSZKY plus éclatante de la «première manière » de Giono’. Cette prose poétique, riche en images et formules énigmatiques, évoque un monde à part, situé entre la terre et le ciel : celui des bergers et des grands troupeaux en transhumance. Ceux-ci jouent un rôle hautement symbolique dans les œuvres de la période d’avantguerre, et réapparaîtront dans le dernier roman achevé de Giono, L'Iris de Suse, daté de 1969, qui fait la synthèse de plusieurs thèmes chers à l'écrivain. Le Serpent d'étoiles se compose de deux parties distinctes complétées d’un appendice?. La première partie du texte peut être considérée comme un parcours initiatique. Le narrateur part à la recherche des bergers, mais sera déçu dans son attente. Par l’intermédiaire de Césaire Escoffier, rencontré par hasard, il découvre les forces secrètes de la nature. Césaire, le potier, est décrit par le narrateur comme une « argile d'hommes douée de parole“. » C’est un charmeur au sens archaïque du terme. Sa main est « en racine d'arbre” », et sa maison bien cachée « dans le bouillonnement des arbres», est elle-même construite sur une racine d'arbre. La femme de Césaire, une femme «blanche, et molle, et grasse » avec une « belle tête ronde’ » est «une source ruisselante d'enfants » qui rit « du rire éternel de la lune. » Pendant la nuit passée chez la famille du potier, le narrateur écoute la parole de cette femme «savante de la grande science du ciel et de la terre”. » C'est grâce à un autre invité de la famille, un vieux berger, que le narrateur entend parler du pouvoir mystérieux des chefs des bêtes (des baïles) et qu’il connaîtra la «sourde musique du pin-lyre! », cette lyre vivante par laquelle l’homme, s'appuyant sur la force du vent, fait résonner le chant du monde. C’est Césaire Escoffier qui, par une nuit étoilée, aménera le narrateur sur le plateau de Mallefougasse ot ils assisteront 4 une cérémonie rituelle des bergers. Et c’est autour de la figure du potier qu’apparait pour la première fois l’un des symboles importants du texte: avant d’apercevoir le « troupeau de poteries luisantes », le narrateur voit «luire sur le pavé comme un ruisseau de petites étoiles! ». ? C'est probablement la raison pour laquelle cette œuvre sera plus tard reniée par l'écrivain dont les aveux sont parfois à traiter avec prudence. V. Henri Godard, in Jean Giono, Récits et essais. Paris, Gallimard, « Pléiade », 1989, pp. 929-930. 3 Selon l'indication de Giono, cet appendice contient la « Traduction complète de la scène IV du drame des Bergers ». (Le Serpent détoiles, éd. cit., pp. 165-175.) 1 Le Serpent d'étoiles. Éd. cit., p. 12. 5 Ibidem, p. 13. 6 Ibidem, p. 14. 7 Ibidem, p. 20 8 Ibidem, p. 21. ° Ibidem, p. 32. 10 Ibidem, p. 41. 1 Le Serpent détoiles. Éd. cit., p. 11. Sur ce passage, V. Christian Lippinois, « Le serpent d'étoiles (1933) de Jean Giono (1895-1970) : un propos écologiste avant l’heure ?, 2011, http ://temporel.fr/ * 188 ¢