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BRIGITTA VARGYAS Une deuxiéme loi découle de ces constats: ceux qui débutent dans la vie contemplative avec une intention claire (celle de retrouver le bonheur ou apprendre ce quest la contemplation), sont tous voués a l’échec. Pour expliquer cette logique étrange, l’auteur recourt à la distinction de deux « moi » (self) : celui basé sur des illusions (illusory self) qui cherche à être heureux et accompli (quoi que cela veuille dire) et l’autre par nature contemplatif et spirituel qui ne cherche pas l’accomplissement, car il est content d’être et rien que par cette existence il est déjà accompli, puisque enraciné en Dieu“. Dans cette perspective, tout ce que la contemplation peut entraîner chez la personne, c’est la naissance d’un silence, d’une humilité et d’une indépendance intérieurs qui peuvent contribuer à ce que ce moi intérieur, tout aussi mystérieux que Dieu lui-même, apparaisse de manière « prudente, timide et imprévisible. » Le moi qui se montre ainsi, timidement, n’a rien à voir avec un quelconque moi idéalisé: il est simple, juste soi, mais un soi au sein duquel nous nous voyons comme Dieu nous voit. Afin d’illustrer la découverte de ce soi dans sa simplicité (qui est en méme temps d’une grandeur indicible), Merton cite un court poéme zen sur le satori d’un certain Chao-pien, fonctionnaire chinois de la dynastie Sung. Selon la théorie du zen, lorsque l’on parvient à un point de maturité intérieure, n'importe quel événement peut déclencher le satori, « l’illumination » qui consiste, pour le «traduire » dans un langage occidental, en une « réalisation soudaine, définitive et intégrale du néant du moi extérieur, et donc une libération du moi originel [...], qui n’est autre que l’ainsité*f », où l’ainsité est l'équivalent du terme bouddhiste qui désigne la réalité telle qu’elle est. Voici le poème: « Vide de pensée, j'étais assis calmement au bureau dans mon office, Avec mon esprit comme une fontaine sans trouble, aussi serein que l’eau; Un éclat de tonnerre soudain, les portes de l’esprit s'ouvrent violemment, Et voilà, ici est assis le vieil homme dans tout son ordinaire.» Cette description va donc à l’encontre de toute idéalisation d’un moi qui apparaîtrait comme quelque chose de spécifique et déterminé au bout de longues années de méditation: non, ce qui se présente ici, c’est «le moi réel [...] révélé dans toute sa réalité” », dans « tout son ordinaire.» Ce moi intérieur se reconnaît en même temps dans une vision totalement différente des choses: 34 Jbidem, p. 2. 35 Ibidem, p. 6. % Idem, « L'expérience intérieure. Notes sur la contemplation ». In Chemins de Dialogue, n°15, 2000, p. 24. 37 Ibidem, p. 25. * 184 +