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DE L'INFINI DU VISAGE À L'INFINI DU LANGAGE -— SUR L'ŒUVRE D'EMMANUEL LÉVINAS relation (c’est-à-dire qu’il ne correspond pas à l’intentionnalité qui se réalise dans l'objet de l’idée) mais à ce qu’il s’agit d’un mot qui décale, dépasse l’idée qu’il représente. À cet endroit précis, l'usage et la réinterprétation de l’idée pour ses propres fins philosophiques deviennent particulièrement intéressants et passionnants. Or, l'histoire de la notion de l'infini nous rend évident que tandis que jusqu’à saint Thomas d'Aquin, c’est le concept quantitatif de l'infini, élaboré et utilisé par les Grecs, qui est déterminant dans la philosophie occidentale, chez Descartes l’idée de l'infini devient infini dans le sens de la perfection et non pas dans le sens de l'extension. Mais Lévinas, en privant l’idée de son caractère ontologique, réintroduit discrètement l'élément de l'extension dans la notion“. Nous sommes tentés d'affirmer que l'extension, ayant déjà caractérisé le phénomène du visage, reste en vigueur même au cas où elle est censée représenter l’entrelacement des situations éthique et langagière. Or, dans son rapport avec le langage, la trace, chez Lévinas, illustre que dans la trace de l’au-delà de l’être, dans le passé immémorial, dans la dimension du passé irréversible (qui correspond peut-être à l'éternité) la logique des systèmes dénotatifs traditionnels se rompt, c'est-à-dire que le rapport corrélationnel du signifié et du signifiant se voit être remplacé par lirrectitude. Cette irrectitude saisit donc le rapport à la transcendance dans la dimension du temps en désignant, par l'intermédiaire de la trace, l'émergence du temps immémorial dans l’espace. Autrement dit, le débordement intellectuel de l'infini se manifeste ici dans la differance spatio-temporelle, à savoir l’espacement de la trace. Sous une autre forme, mais c’est plus ou moins la méme réflexion qui se dessine sur les pages de Signification et sens : la signifiance de la trace nous met en une relation latérale qui rend impossible la révélation neutralisant la transcendance, et dont Vinconvertible rectitude se porte garant de l’asymétrie de notre rapport à la transcendance. Ainsi, le geste de démonstration, de désignation orienté sur le sens qui assure la régénération constante de la signification, se réalise dans la trace dont les spécificités citées ci-dessus provoquent en méme temps le bouleversement, le dérangement irréductible de la signification. Lusage du terme de la différance n’est pas du tout le produit du hasard, car tout ce qui vient d’étre dit nous est déja bien familier grace aux écrits ultérieurs de Jacques Derrida qui, dans sa critique fervente de la métaphysique, s’est proposé 4° V.à ce propos l'étude de Tamas Pavlovits, A végtelen idedja Lévinasndl és Descartes-ndl. Lévinas Descartes-ertelmezese [L’idee de l’infini chez Levinas et Descartes. Linterpretation levinassienne de Descartes]. In Peter Bokody, Nöra Szegedi, Laszlé Kenéz (dir.), Transzcedencia és megértés. Etika és metafizika Lévinas filozófiájában. Budapest, LHarmattan, 2008, p. 137-151. + 161 +