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Anikó Radvánszky De Vinfini du visage a l’infini du langage - sur l’oeuvre d’Emmanuel Levinas Lorsque Emmanuel Lévinas tranche les questions de l’opposition irréconciliable de la « totalité » et de l’« infini », de l’excés indéchiffrable et indomptable du visage, et celle de la transcendance s'exprimant dans l’énonciation, c’est l’axe principal même de la philosophie occidentale (c'est-à-dire grecque), la systématisation, la réduction ontologique de la métaphysique, la connaissance comme aspiration totalisante qu’il soumet à une critique fondée sur l'absolu de l'Autre à la fois concret et unique. Aucune forme totalisante de la pensée ne peut rendre compte de l’absolument autre, c’est à dire de l'Autre. C’est ce constat qui conduit Lévinas à remettre en question toute la tradition philosophique. Sa réflexion vise donc à illustrer cet aspect particulier de l'expérience à travers lequel la différence de l’Autre nous apparaît tout en gardant « son altérité absolue », c’est-à-dire sans être dépendant d'aucun Moi transcendant et d'aucune totalité ontologique. L'objectif primordial de cette philosophie est de dépasser le caractère restrictif des philosophies de la conscience — plus particulièrement celui de la phénoménologie — et, ainsi, de révéler les possibilités originelles de la subjectivité, autrement dit de définir les fondements de la subjectivité par rapport à l’idée de l’infini qui est aussi au cœur de notre étude. « Ce livre se présente donc comme une défense de la subjectivité, mais il ne la saisira pas au niveau de sa protestation purement égoiste contre la totalité, ni dans son angoisse devant la mort, mais comme fondée dans l’idée de l’infini'. » C'est par cette formule souvent citée à tort et à travers que commence la Totalité et infini. Extrait auquel il convient d'ajouter, afin de mieux nous approcher du centre d'intérêt de notre analyse, que la notion d’altérité lévinassienne repose sur la mise en opposition dialectique bien soulignée du Même et de l’Autre, introduite justement dans les pages de cette œuvre. Selon cette dialectique, l'autre ne peut être ramené au même que s’il en est complètement différent ; mais ce qui 1 Emmanuel Lévinas, Totalité et infini. Essai sur l'extériorité. Paris, Kluwer Academic, 2009, p. 11. * 150 +