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STÉPHANE KALLA la donation des objets: par l’acte de la rétention (souvenir primaire) quelque chose se présente pour la première fois x en chair et en os s? sur la scene de la conscience, tandis que par l’acte du ressouvenir le méme objet se re-présente de nouveau sur scéne mais avec un supplément de détails qui modifient la perception originelle que nous avions de lui. Cet ajout de nouveaux détails est une conséquence de l’ajustement continu de notre perception des objets par rapport à l’environnement (ou arrière-plan) de ces derniers, ledit environnement étant en perpétuelle évolution, ou pour le dire autrement, en perpétuel dévoilement dans la donation continue de ses singularités : «Que les perceptions soient donatrices du soi cela vous est familier et ne pourra pas vous causer de difficultés. La donation du soi” signifie ici phénoménologiquement que chaque perception en elle-même n’est pas seulement en général conscience de son objet, mais qu’elle rend son objet conscient d’une maniére remarquable. La perception est la conscience de voir et de posséder Vobjet en chair et en os. Donc pour parler par contraste, il n’est pas donné comme un simple signe ou image, il n’est pas médiatement conscient comme un objet simplement signifié ou apparaissant dans l’image, etc.; bien plutôt il se tient là comme lui-même, comme tel qu'il est visé, et pour ainsi dire, en personne. [...] Nous pouvons aussi dire, la perception est caractérisée comme acquisition originaire de l'objet, le ressouvenir comme redisposition originaire de celui-ci. » Comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, ces deux actes constitutifs de la conscience temporelle que sont la rétention et le ressouvenir sont parfaitement dissociés par Husserl, qui insiste régulièrement sur leur différence de nature, avec toutes les conséquences que cela implique. La rétention est l’acte de la donation originelle des objets, elle est ce qui se donne à soi sans aucune forme de médiation, c’est donc elle qui permet seule la présentation des objets dans l'expérience en retenant (et par la même en dévoilant) dans un ordre et un rythme d'intégration déterminés les différents éléments participant de la structure des objets en question, favorisant ainsi leur apparition sur la scène de la conscience. La rétention renvoie donc à une expérience authentique, originelle et sans médiation d'aucune sorte de l’objet qui est pour ainsi dire tout entier vécu par la conscience, celle-ci ne faisant plus qu’un avec la présentation de ce dernier. En revanche, le ressouvenir est un retour de l'esprit sur une perception déjà °° Expression récurrente de Husserl pour désigner l'acte originellement donateur des objets qu'est la perception. 5% Edmund Husserl, De la synthèse passive, Section II: Évidence. Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 1998, p. 173. * 146 +