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STÉPHANE KALLA l’evenement prend de l’autonomie, et se singularise: une partie de ces flux interdépendants se re-présente et prend forme au travers de cet acte de la mémoire qui constitue l’événement en tant que tel par objectivation immanente. Si l'événement occupe une position absolue dans le temps et l’espace, c’est parce que chacune de ses phases constitutives le rapportent à son contexte (ou milieu) de manière unique, irréductible, ledit contexte étant toujours en perpétuel changement. 2. En outre, le « perçu » qui se présente à nouveau dans le souvenir doit être repositionné par rapport à l'arrière-plan des objets-événements-temporels qui s’est modifié depuis le moment de la donation originelle du « perçu » en question, c’est pourquoi ce dernier subira nécessairement des modifications (plus ou moins distinctes) quant à son contenu présentatif initial en fonction des informations nouvelles qui se seront immiscées entre sa donation originelle et sa « reproduction » dans le souvenir. C’est pourquoi nous pouvons avancer l’idée d’un positionnement spatio-temporel absolu de tout événement : l'événement qui se donne occupe une place déterminée dans un réseau rétentionnel en perpétuel mutation, mais l'apparition elle-même dudit événement est à tout jamais liée aux circonstances qui l’accompagnérent (et la rendirent possible), elle est pour ainsi dire la résultante d’un agencement rétentionnel unique et définitivement révolu. C’est pourquoi dans l’acte de remémoration d’un événement, il est impossible de reproduire à l'identique la totalité des conditions qui accompagnèrent l'apparition de ce dernier: «Le souvenir présent est un phénomène tout à fait analogue à la perception, il a en commun avec la perception correspondante l'apparition de l’objet ; seulement l'apparition a un caractère modifié, grâce auquel l’objet ne se tient pas là comme présent, mais comme ayant été présent**. » L’objet-événement-temporel continûment repoussé dans le temps conserve son identité (il reste le même) en vertu de sa position absolue par rapport à l'arrière-plan rétentionnel au travers duquel son apparition devint possible dans le présent perceptif. Le souvenir conserve l’identité de l’objet-événement en ce qu’il le reproduit en rapport avec un environnement rétentionnel « photographié » selon un point de vue singulier. La reproduction mnésique dudit objet-événementtemporel charrie avec elle le contexte originel de son apparition perceptive (de façon plus ou moins confuse), mais ce contexte ayant désormais le caractère de 34 Edmund Husserl, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps (1905). Paris, Presses universitaires de France, 1996, pp. 78-79. * 138 ¢