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STÉPHANE KALLA Au moment méme ot j’apercois, par exemple, un oiseau posé sur une branche, je percois continiment de facon plus ou moins confuse l’arriére-plan à partir duquel l’objet-événement-temporel « cet oiseau» se manifeste distinctement. Cette assertion reste évidemment à expliquer plus en detail, nous nous contentons pour le moment d'exposer notre interprétation du concept de milieu, ou d’« arrière-plan » des objets-événements temporels. Cet arrière-plan, ou fond des apparitions phénoménales est plus clairement identifié par Varela lorsque ce dernier s'intéresse à la temporalité immanente du «temps absolu constituant le flux de la conscience». Traitant de la remémoration, Varela précise comment s’effectue l’acte veritable, ou « pur » de cette derniére: « Je peux revivre trés clairement le dernier percept visuel dans la tache. Mais cette évocation n’est compléte que quand elle charrie avec elle le contexte incarné dans lequel l’image est survenue (ma posture, la voiture passant au loin, les fragments concourants d’idéation que j'avais lors de la tâche). En d’autres termes, bien que l'évocation vise un objet qui est donné à la présence sur un mode spécifique [...], elle le vise en tant que champ: l’objet visé est un centre, mais c’est aussi une périphérie pleine du contexte de l'expérience”. » Le « contexte de l'expérience » est une autre façon de désigner l'arrière-plan des objets-événements-temporels ; la notion d’ « expérience » renvoie tout d’abord à l’interdépendance des flux rétentionnels dont procède en partie l'extension d’un certain milieu, constitué d’une pluralité de vécus donnés sans discontinuité dans l'intuition originaire et progressivement détachés les uns des autres par un processus de re-présentation laissant apparaître des objets-événements distincts. Cette dynamique inhérente à la perception des objets-événements est celle la-méme du processus de |’ « objectivation immanente »* Ce point est essentiel, il s’agit de montrer comment «tout ce qui, au sens le plus large, apparaît, est représenté, pensé, etc.» participe d’un milieu dynamique et temporellement irréductible à partir duquel la «position » de n’importe quel objet-événement peut être relativisée. Par exemple, la « position » de l’objet-événement « cet oiseau » varie constamment en fonction des changements de l'arrière-plan de cette apparition : plus ou moins spécieusement d’autres rétentions deviennent de plus en plus distinctes, de plus en plus re-présentées, de plus en plus objectivées, et l'apparition de l'oiseau a déjà changé de « position s par rapport à ce réseau de rétentions en perpétuelle mutation. Les termes de milieu et de position 29 Francisco Varela, « Le présent spécieux : une neurophénoménologie de la conscience du temps». In Naturaliser la Phénoménologie, Essais sur la phénoménologie contemporaine et les sciences cognitives, Paris, CNRS Éditions, 2002, p. 375. 30 V.$ 23 des Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps. s 134 +