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STÉPHANE KALLA présentation de ces derniers. Un projet d’axiomatisation des données phénoménologiques élémentaires impliquerait par conséquent de “récupérer” l'acte originel de la dynamique rétentionnel à travers la mise en place d’un formalisme mathématique adéquat; or qui dit «formalisme» dit aussi nécessairement « re-présentation », le projet de naturalisation de la phénoménologie doit donc légitimer la possibilité de contourner (voire d'effacer) l'opposition très claire établie par Husserl, entre «rétention » (présentation) d’une part, et « ressouvenir » (re-présentation) d’autre part: « La modification de la conscience, qui transforme un maintenant originaire en un maintenant reproduit, est quelque chose de tout différent de la modification qui transforme le maintenant, originaire ou reproduit, en un passé. Cette dernière modification a le caractère d’un dégradé continu : de même que le maintenant passe dans le passé, et encore dans le passé, par une gradation continue, de même la conscience intuitive du temps se transforme elle aussi par degrés continus. Au contraire, il n’est pas question d’un passage continu de la perception à l’imagination, de l'impression à la reproduction. Cette dernière différence est discontinue. Aussi devons-nous dire: ce que nous nommons conscience originaire, impression ou encore perception, c’est un acte en dégradé continu. Chaque perception concrète implique tout un continu de tels dégradés. Or la reproduction, la conscience qui imagine, exige elle aussi exactement les mêmes dégradés, mais justement reproductivement modifiés. Dans les deux cas, il appartient à l’essence des vécus de devoir être étalés de telle sorte qu’il ne puisse jamais y avoir de phase ponctuelle isolée". s Husserl désigne par «un acte en dégradé continu » le processus rétentionnel inhérent à la perception concrète des objets-événements-temporels. L'action de reproduire (ou de re-présenter) le « dégradé » d’une donation primaire n’est ellemême pas dénuée d'extension temporelle : toute re-présentation s'étale au travers d’une rétention spécifique, d’un « dégradé continu» qui, se superposant au « dégradé » de la donation originelle, ajoute à cette dernière un certain nombre de modifications. Cet ajout continu de modifications se superposant aux impressions primaires n’est autre qu’un attribut fondamental de la dynamique rétentionnelle : celle-ci consiste en effet en un « dégradé » progressif au travers duquel sont étalées les informations élémentaires dont procède la perception spontanée des objets-événements-temporels. La re-présentation n'échappe donc pas à cette loi phénoménologique, car elle est intrinsèquement structurée par cette dynamique rétentionnelle, et par là même, n’est pas capable de coïncider parfaitement avec la présentation des vécus purs. En effet, se re-présenter les 1 Ibidem, p. 65. s 126 +