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LE TEMPS COMME FORME DE LA CONTEMPLATION - PERSPECTIVES PHENOMENOLOGIQUES Husserl estime ainsi que les données hylétiques sont fondamentalement perceptibles (dans le sens de « peuvent être perçues, ou aperçues ») en vertu de ce qu'elles sont constituées par leur intégration dans un flux qui régule, ordonne et détermine l'apparition de leurs singularités respectives. Ce flux (la durée) prend la forme d’un continuum inconditionné rendant possible des actes de conscience : «Je n’entends donc à chaque fois que la phase actuelle du son, et l’objectivité de l’ensemble du son qui dure se constitue dans le continuum d’un acte qui, pour une part, est souvenir, pour une part, trés petite, ponctuelle, perception, et pour une part plus large, attente. » N'est perceptible que ce qui dure, encore faut-il s'entendre sur la signification du concept de durée. Partons d’une distinction simple: une pure unité dans le temps d'un côté, une unité douée d’une extension temporelle de l’autre. Cette opposition certes grossière, permet néanmoins de distinguer deux approches épistémologiques plus ou moins antagonistes de la notion très générale de l’objet: 1. Il est possible de considérer qu’un “objet” dispose d’une individualité substantielle irréductible, autrement dit, d’une unité qui le fonde en tant qu'être intrinsèquement distinct de tous les autres (l’unité dudit “objet” prendrait dans une telle perspective la valeur épistémique d’une essence). Par exemple, dans une conception platonicienne des mathématiques, il est défendu que des significations élémentaires du type « 1+1=2 » sont atemporelles car idéales, et en tant que telles détachées des fluctuations de l'expérience empirique. Dans cette perspective, la durée devient potentiellement réductible à la combinaison d'éléments primordiaux atemporels (ou entendus comme tels), et pourrait être exprimée par une modélisation mathématique. La durée deviendrait ainsi l’objet d’une investigation eidétique non plus seulement descriptive mais axiomatique. En effet, le principe d'un axiome est d’être considéré, ne serait-ce que par nécessité méthodologique, comme atemporel, aussi bien dans sa forme que dans son contenu. Nous verrons que l’entreprise de naturalisation de la phénoménologie repose en grande partie sur l’idée qu’une axiomatisation (ou modélisation mathématique) du flux de la temporalité immanente est possible (idée que nous contesterons fortement). 2. Il est possible de considérer tout « objet » comme étant substantiellement «multiple », en vertu de son extension temporelle. L'unité de l’objet n’est plus, dans cette perspective, que le résultat d’un point de vue strictement relatif à une compréhension (ou appréhension) provisoire de l’objet concerné, et peut donc 5 Ibidem, p. 37 s 119 "